L’ESPRIT DES PLANTES – ACTIVITÉ ÉLECTRIQUE
Cet article, publié en Mars 2016 dans le
périodique suisse Le Temps, se suffit à lui-même, je m’abstiendrai donc de
commentaire.
« Les plantes sont-elles des animaux comme
les autres?
Mémoire, douleur, vision, odorat... Les botanistes
découvrent chez les végétaux toujours plus de capacités qu'on pensait propres
au monde animal. Les débats sont passionnés.
Loin
des clichés sur la plante verte et passive, la biologie végétale ne cesse
d'observer depuis une quinzaine d'années des facultés surprenantes que l'on
croyait réservées au monde animal. Les végétaux ont de multiples capacités
sensorielles qui leur permettent de communiquer entre eux et avec des insectes,
de s’adapter aux situations de crise, de mémoriser, et à la grande surprise des
chercheurs, leurs activités biochimiques sont liées à de mystérieuses activités
électriques.
Au
département de biologie moléculaire de la plante à l'Université de Lausanne,
l'équipe dirigée par Edward Farmer travaille sur l'une des dernières
découvertes qui émerveille le monde de la recherche: l'activité électrique des
plantes.
L'arabette
des dames est un modèle fréquent en biologie végétale. (Carl Davies, CSIRO)
Lorsque
celles-ci sont blessées par exemple, elles émettent des signaux électriques qui
passent d'un point à l'autre. «On s'est demandé si ces signaux électriques
générés quand on blesse la plante peuvent déclencher des mécanismes biochimique
de défense», précise Edward Farmer. Car les protéines de défense sont non
seulement produites dans les parties attaquées, mais aussi dans les parties
saines.
Existe-t-il une neurobiologie des plantes?
Grâce
au modèle de l'Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), l'équipe a réussi à
identifier les gènes qui déclenchent le signal électrique et à confirmer le
lien avec l'activation des protéines de défense loin de la blessure. Les
résultats publiés en 2013 dans Nature ont identifié trois gènes GLR (Glutamate
Receptor-Like), semblables à ceux des animaux, impliqués dans ce processus
électrophysiologique. «Ce qui est surprenant c'est que ces gènes sont très
similaires aux gènes dans les synapses rapides du cerveau humain, alors qu'une
plante n'a aucun neurone. C'est très intriguant et stimulant», s'enthousiasme
le professeur Farmer.
Toute
cellule biologique a un potentiel électrochimique de membrane qui agit comme
une petite pile polarisée, mais la transmission électrique d'une cellule
végétale à l'autre sur une longue distance reste une énigme. Avec une moyenne
de 8 à 10 cm par minute – «un peu la vitesse d'une chenille qui marche sur une
feuille» – le signal électrique a une vitesse hétérogène et «cet entre-deux est
un vrai casse-tête pour la recherche», ajoute-t-il.
« Les plantes ont aussi des processus d'information,
de mémoire, de décisions, de résolution de problèmes. »
Les
nombreuses et déroutantes similitudes entre l'activité électrique des plantes
et le système nerveux des animaux suscitent encore des débats, parfois houleux,
dans la communauté des biologistes. Bien avant les travaux d'Edward Farmer,
Stefano Mancuso de l'Université de Florence et Frantisek Baluska, de
l'Université de Bonn, soulignaient dans leurs travaux l'importance de
l'activité «synaptique» des plantes. A tel point qu'en 2005, Mancuso utilise
pour la première fois l'expression «neurobiologie» végétale en fondant avec
Baluska le Laboratoire International de Neurobiologie des Plantes.
A
l'instar de nombreux collègues, Farmer réfute cette appellation car la plante
n'a pas de neurone et qu'il n'est pas selon lui scientifique de faire des
telles comparaisons.
Cerveau diffus
A
contrario Baluska souligne que «ce qui est important c'est que la plupart des
molécules responsables de la communication et des activités neuronales dans le
cerveau humain sont aussi présentes chez les plantes avec des fonctionnements
très similaires. Le processus est très proche et implique d'une certaine
manière que les plantes ont aussi des processus d'information, de mémoire, de
décisions, de résolution de problèmes». Comment expliquer ce mécanisme alors
que la plante n'a pas de cerveau?
«Les
plantes sont capables de produire et d'émettre des signaux électriques sur
toutes les cellules de leur corps. De ce point de vue il y a une sorte de
cerveau diffus, alors que chez les animaux tout est concentré dans un seul
organe», ajoute Mancuso.
La
sensitive garde en mémoire les stress qu'elle a subis durant une quarantaine de
jours. (littlemisspurps/Flickr)
Directeur
de recherche à l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) en
France, Bruno Moulia quant à lui relativise, car «le piège des végétaux est
qu'ils assurent de nombreuses fonctions – comme le mouvement vasculaire, le
musculaire – avec les mêmes tissus. La question de l'activité synaptique des
plantes est troublante mais on ne peut pas encore trancher.»
Des arbres sismographes
Au
Japon, des chercheurs observent depuis longtemps que les arbres ont une
activité électrique anormale qui se manifeste 3 à 4 jours avant un séisme et
s'intensifie à l'approche du jour J. Mais le mécanisme ne permet pas encore de
localiser l'épicentre et l'ampleur d'un séisme.
« La mémoire ou l'apprentissage des plantes ne sont
pas comparables aux nôtres. »
Grâce
à plus de 700 capteurs sensoriels répertoriés dans le monde végétal, les
plantes analysent en permanence leur environnement pour mesurer la température,
l’humidité, la lumière, etc. Elles n’ont pas d’yeux et pourtant elles voient,
elles n’ont pas de nez et pourtant elles sentent, elles n’ont pas d’oreilles et
pourtant elles réagissent aux ondes sonores...
De
nombreuses études ont également montré qu'à la suite d'un stress (climat,
torsion, etc.) les plantes sont capables de s'en souvenir et de s'adapter à
leur environnement. Cette mémoire varie de quelques jours à une quarantaine de
jours pour la sensitive (Mimosa pudica) par exemple, qui selon l'équipe de
Mancuso montre aussi des capacités d'apprentissage.
La mémoire des plantes
Au
laboratoire de Bruno Moulia à Clermont-Ferrand, on a montré que la plante est
même capable de faire certains «calculs». Pour autant, Francis Hallé, botaniste
français, prévient qu'il ne s'agit pas d'une «mémoire ou d'un apprentissage
comparables aux nôtres. Une plante que vous n'arrosez que rarement par exemple,
aura l'habitude de vivre au sec, elle s'en souvient. Par contre si vous
l'arrosez beaucoup, et bien le jour où vous ne l'arrosez plus elle meurt. Car
la plante dépend aussi de ce qu'il lui est arrivé dans les époques
antérieures.»
Cette
mémoire est généralement activée avec l’expression d’un gène jusqu’alors
inactif. «Les gènes peuvent être modifiés chimiquement par des facteurs
environnementaux, tels que le stress, et ces modifications épigénétiques
peuvent dans certains cas être transmis à la génération suivante. Cette
sensibilité du génome est surprenante et nous commençons à peine à explorer la
portée du contrôle épigénétique du développement de la plante», explique
Lincoln Taiz, Professeur émérite à l'Université de Californie.
Si
l'être humain a près 25 000 gènes, les végétaux en ont souvent beaucoup plus,
comme le riz qui en compte plus de 40 000. Alors que l'animal a la possibilité
de se déplacer, la plante a finalement trouvé ses réponses dans la richesse et
la variabilité génétique. «Un gage de longévité», assure Francis Hallé pour qui
le plus important reste sans doute encore à découvrir. »
Pour en savoir plus sur les capacités des
plantes à « réaliser des calculs mathématiques » http://culturagriculture.blogspot.com.es/2015/11/58-lesprit-des-plantes-3-calcul.html
très instructif, merci
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