mercredi 25 octobre 2017

117- Le sol -4- Rendons leur grandeur à nos sols

RENDONS LEUR GRANDEUR À NOS SOLS

Il apparait de plus en plus évident que les sols agricoles sont une ressource mal appréciée par les générations antérieures d’agriculteurs et finalement involontairement, ou plutôt inconsciemment dégradée.


La Révolution Verte, avec ses bonnes intentions, a permis de résoudre une grande partie des problèmes de sécurité alimentaire dans le monde, au moins au niveau de la production.
Mais sa vision réductrice, et la trop grande part accordée aux intrants (pesticides et fertilisants), et les progressions spectaculaires de productivité qui en ont découlé les premières années, ont fait oublier à presque tous, certains fondements de notre belle activité.
Le réveil est brutal, avec des constats parfois dramatiques, des problèmes d’érosion terribles par endroits, des sols qui ont parfois perdu leur structure, une vie du sol réduite ou anéantie, une activité microbienne en berne, bref, des pertes de fertilité qui deviennent criants dans certaines conditions.

Mais rien n’est perdu, la plupart des erreurs sont récupérables, et les expériences les plus anciennes de changement de pratiques culturales montrent qu’il est toujours possible de revenir en arrière et de combiner les besoins de productivité avec le respect des écosystèmes, et surtout la récupération de nos sols.

Je vous propose ce texte, publié au printemps par David R. Montgomery, dans l’édition britannique de la revue digitale The Conversation, sous le titre (parodie du slogan de Donald Trump durant sa campagne électorale) « Make our soil great again ».


Make our soils great again
Rendons leur grandeur à nos sols

Par David R. Montgomery
Professeur de sciences de la Terre et de l’Espace, Université de Washington


« La plupart d’entre nous ne pense pas beaucoup au sol, et encore moins de sa santé. Mais comme le Jour de la Terre approche, il est temps de recommander quelques soins pour la peau à Mère Nature.
Restaurer la fertilité des sols est une des meilleures options dont dispose l’humanité pour faire des progrès sur trois formidables défis : nourrir toute l’humanité, freiner les changements climatiques et préserver la biodiversité.

La généralisation de la mécanisation et l’adoption des fertilisants chimiques et des pesticides a révolutionné l’agriculture. Mais ça a eu des conséquences imprévues sur le sol. Les agriculteurs de par le monde ont déjà dégradé et abandonné un tiers des terres cultivables planétaires. Aux Etats-Unis, nos sols ont déjà perdu environ la moitié de leur contenu en matière organique qui aidait à les rendre fertiles.

Qu’est-ce qui est en jeu si nous n’inversons pas cette tendance ? Les zones de conflits appauvries comme la Syrie, le Liban ou l’Irak sont parmi les sociétés qui vivent avec l’héritage de sols dégradés. Et si le monde continue de perdre des terres arables productives, il sera de plus en plus difficile d’alimenter une population globale en augmentation.

Mais il est possible de restaurer la fertilité des sols, et j’ai beaucoup appris en voyageant autour du monde à la rencontre d’agriculteurs qui ont adopté des pratiques régénératives à une large échelle commerciale ou à une petite échelle de subsistance, en faisant des recherches pour mon nouveau livre «Growing a Revolution : Bringing our soils back to life » (Cultiver une Révolution : ramener nos sols à la vie). De la Pennsylvanie jusqu’aux Dakotas et de l’Afrique à l’Amérique Latine, j’ai vu des preuves convaincantes de comment une nouvelle conception de l’agriculture peut rétablir la santé du sol, et ceci d’une manière remarquablement rapide.

Des ateliers sur les cultures sous couvert végétal, la gestion des adventices et la pratique du non-labour au Ranch Stark à Gainesville, Texas.

Ces agriculteurs ont adopté des pratiques qui favorisent la vie bénéfique du sol. Ils ont arrêté les labours et minimisé les perturbations du sol. Ils ont implanté des cultures de couverture, spécialement des légumineuses, en combinaison avec les cultures commerciales. Et ils ont cessé de semer la même chose au même endroit encore et toujours. Au lieu de ça, ils ont implanté une grande diversité de cultures dans des rotations complexes.
La combinaison de ces techniques favorise la diversité dans la vie microbienne bénéfique du sol qui améliore le cycle des nutriments, augmente la matière organique, améliore la structure du sol, et par là même réduit les pertes par érosion.

Les agriculteurs qui ont implanté les trois techniques ont commencé à régénérer la fertilité du sol et après plusieurs années, ils ont fini par gagner plus d’argent. Les volumes de récolte et la matière organique du sol ont augmenté pendant que leur consommation de carburants, fertilisants et pesticides se réduisait. Leurs champs étaient constamment plus visités par les pollinisateurs – papillons et abeilles – que les fermes conventionnelles environnantes. La réduction de l’emploi des pesticides et le respect des plantes autochtones dans les environs des parcelles se sont traduits par une augmentation des espèces prédatrices qui contrôlent les insectes nuisibles.

Les éleveurs innovateurs m'ont également montré des méthodes qui ont amélioré leur sol. Les vaches dans leurs fermes broutent comme le faisait autrefois le bison, se concentrant sur une petite zone pendant une courte période de temps, suivie d'un long repos. Ce modèle stimule la production de substances sucrées par les racines des plantes. Et ce phénomène nourrit la vie du sol qui, en retour, fournit aux plantes des hormones de croissance et des nutriments minéraux. Laisser paître les vaches permet également d’enrichir la matière organique du sol en dispersant le fumier à travers les champs, plutôt que de le concentrer dans les fosses des parcs de stabulation.


La matière organique du sol est la fondation du réseau alimentaire du sol, et il y a un consensus parmi les scientifiques avec lesquels j’ai pu discuter, pour penser que la matière organique du sol est le meilleur indicateur de la santé du sol. Combien de CO2 pourraient stocker dans le sol les agriculteurs et éleveurs du monde, par des pratiques culturales qui incorporent les résidus de culture et stimulent l’activité microbienne ? Les estimations varient énormément, mais les agriculteurs que j’ai rencontrés ont plus que doublé le contenu en CO2 de leurs sols en une ou deux décennies. Si les agriculteurs du monde entier faisaient cela, ça pourrait aider à compenser partiellement les émissions d’énergies fossiles pour les décennies à venir.

La restauration des sols ne va pas résoudre la faim dans le monde, arrêter le changement climatique, ou éviter des futures pertes de biodiversité. Une seule action ne peut pas résoudre de tels problèmes. Mais les agriculteurs innovateurs que j’ai rencontrés m’ont démontré que l’adoption de la série complète des pratiques de l’agriculture de conservation peut fournir de meilleurs moyens de subsistance et des avantages environnementaux significatifs tant sur les fermes conventionnelles que biologiques.

La restauration de la fertilité des sols agricoles dégradés est l'un des projets d'infrastructure naturelle les plus pressants et les moins reconnus par l'humanité, et portera ses fruits pour les générations à venir. Il est grand temps pour un effort ressemblant à un tir de fusée lunaire afin de restaurer la source de toutes les civilisations prospères:
Notre sol, la peau de la Terre. »

Image :https://www.nrcs.usda.gov/Internet/FSE_MEDIA/nrcs144p2_028580.jpg

117- The soil -4- Make our soils great again

MAKE OUR SOIL GREAT AGAIN

It appears increasingly clear that agricultural soils are a resource wrongly apprehended by past generations of farmers, and ultimately unintentionally, or rather unconsciously damaged.


The Green Revolution, with its good intentions, has solved many of the food security problems in the world, at least at the level of production.
But its reductive vision, and the excessive proportion of inputs (pesticides and fertilizers), and the spectacular improvement of productivity that followed in the first years, have made that most of farmers forgot some foundations of our great activity.
The awakening is brutal, with sometimes dramatic findings, terrible erosion problems in some places, soils that have sometimes lost their structure, a soil reduced or destroyed soil life, a microbial activity at half-mast, in short, fertility losses that become compelling under certain conditions.

But nothing is lost, most mistakes are recoverable, and the oldest experiences of changing farming practices show that it's always possible to go back and combine productivity needs with respect for ecosystems, and especially the recovery of our soils.

I propose this text, published in spring by David R. Montgomery, in the British edition of the digital magazine The Conversation, under the title (parody of the slogan of Donald Trump during his election campaign) "Make our soil great again".


Make our soils great again

By David R. Montgomery
Professor of Earth and Space Sciences, University of Washington



“Most of us don’t think much about soil, let alone its health. But as Earth Day approaches, it’s time to recommend some skin care for Mother Nature.
Restoring soil fertility is one of humanity’s best options for making progress on three daunting challenges: feeding everyone, weathering climate change and conserving biodiversity.

Widespread mechanization and adoption of chemical fertilizers and pesticides revolutionized agriculture. But it took a hidden toll on the soil. Farmers around the world have already degraded and abandoned one-third of the world’s cropland. In the United States, our soils have already lost about half of the organic matter content that helped make them fertile.

What is at stake if we don’t reverse this trend? Impoverished trouble spots like Syria, Libya and Iraq are among the societies living with a legacy of degraded soil. And if the world keeps losing productive farmland, it will only make it harder to feed a growing global population.

But it is possible to restore soil fertility, as I learned traveling the world to meet farmers who had adopted regenerative practices on large commercial and small subsistence farms while researching my new book, Growing A Revolution: Bringing Our Soil Back to Life. From Pennsylvania to the Dakotas and from Africa to Latin America, I saw compelling evidence of how a new way of farming can restore health to the soil, and do so remarkably fast.

Workshop on cover crops, weed management and no-till practices at the Stark Ranch in Gainesville, Texas.


These farmers adopted practices that cultivate beneficial soil life. They stopped plowing and minimized ground disturbance. They planted cover crops, especially legumes, as well as commercial crops. And they didn’t just plant the same thing over and over again. Instead they planted a greater diversity of crops in more complex rotations. Combining these techniques cultivates a diversity of beneficial microbial and soil life that enhances nutrient cycling, increases soil organic matter, and improves soil structure and thereby reduces erosive runoff.

Farmers who implemented all three techniques began regenerating fertile soil and after several years ended up with more money in their pocket. Crop yields and soil organic matter increased while their fuel, fertilizer, and pesticide use fell. Their fields consistently had more pollinators — butterflies and bees — than neighboring conventional farms. Using less insecticide and retaining native plants around their fields translated into more predatory species that managed insect pests.

Innovative ranchers likewise showed me methods that left their soil better off. Cows on their farms grazed the way buffalo once did, concentrating in a small area for a short period followed by a long recovery time. This pattern stimulates plants to push sugary substances out of their roots. And this feeds soil life that in return provides the plants with things like growth-promoting hormones and mineral nutrients. Letting cows graze also builds soil organic matter by dispersing manure across the land, rather than concentrating it in feedlot sewage lagoons.



Soil organic matter is the foundation of the soil food web, and the consensus among scientists I talked with was that soil organic matter is the single best indicator of soil health. How much carbon could the world’s farmers and ranchers park underground through soil building practices that incorporate plant residue and stimulate microbial activity? Estimates vary widely, but farmers I visited had more than doubled the carbon content of their soil over a decade or two. If farmers around the world did this, it could help partially offset fossil fuel emissions for decades to come.

Soil restoration will not solve world hunger, stop climate change, or prevent further loss of biodiversity. No single thing can solve these problems. But the innovative farmers I met showed me that adopting the full suite of conservation agriculture practices can provide a better livelihood and significant environmental benefits on conventional and organic farms alike.

Restoring fertility to degraded agricultural soils is one of humanity’s most pressing and under-recognized natural infrastructure projects, and would pay dividends for generations to come. It’s time for a moonshot-like effort to restore the root of all prosperous civilizations:
Our soil, the skin of the Earth.”

Picture: https://www.nrcs.usda.gov/Internet/FSE_MEDIA/nrcs144p2_028580.jpg

117- El suelo -4- Devolver su grandeza a nuestros suelos

DEVOLVER SU GRANDEZA A NUESTROS SUELOS

Aparece cada vez más evidente que los suelos agrícolas son un recurso mal valorado por las generaciones anteriores de agricultores, y finalmente involuntariamente, o mejor dicho inconscientemente dañado.


La Revolución Verde, con sus buenas intenciones, ha permitido resolver gran parte de los problemas de seguridad alimentaria en el mundo, al menos a nivel de la producción.
Pero su visión reductora, y la demasiado grande parte acordada a los insumos (plaguicidas y fertilizantes), y las progresiones espectaculares de productividad observadas los primeros años, han hecho olvidar a casi todos, algunos fundamentos de nuestra bella actividad.
El despertar es brutal, con constataciones a veces dramáticas, problemas de erosión terribles en algunos sitios, suelos que a veces han perdido su estructura, una vida del suelo reducida o aniquilada, una actividad microbiana pobre, total, perdidas de fertilidad que se hacen críticas en determinadas condiciones.

Pero nada es perdido, la mayoría de los errores se pueden rectificar, y las más antiguas experiencias de cambio de prácticas culturales demuestran que siempre es posible volver atrás, y combinar las necesidades de productividad con el respeto a los ecosistemas, y sobre la recuperación todo de nuestros suelos.

Te propongo este texto, publicado esta primavera por David R. Montgomery, en la edición británica de la revista digital The Conversation, bajo el título (parodia del lema de Donald Trump durante su campaña electoral) “Make our soils great again”.


Make our soils great again
Devolver su grandeza a nuestros suelos

Por David R. Montgomery
Profesor de ciencias de la Tierra y del Espacio,
Universidad de Washington


“Muchos de nosotros no piensan mucho en los suelos, y menos aún en su salud. Pero ya que se acerca el Día de la Tierra, ha llegado el momento de recomendar algunos cuidados para la piel a Madre Naturaleza.
Restaurar la fertilidad de los suelos es una de las mejores opciones de las que dispone la humanidad para progresar en tres tremendos desafíos: alimentar a toda la humanidad, ralentizar los cambios climáticos y preservar la biodiversidad.

La generalización de la mecanización y la adopción de los fertilizantes químicos y de los plaguicidas ha revolucionado la agricultura. Pero han tenido consecuencias imprevistas sobre el suelo. Los agricultores en todo el mundo ya han degradado y abandonado una tercera parte de las tierras cultivables del planeta. En Estados-Unidos, nuestros suelos ya han perdido aproximadamente la mitad de su contenido en materia orgánica que ayudaba en hacerlos fértiles.

¿Qué esta en juego si no invertimos esta tendencia? Las zonas de conflicto empobrecidas como Siria, Líbano o Irak están entre las sociedades que viven con la herencia de suelos degradados. Y si el mundo sigue perdiendo sus tierras arables productivas, será cada vez más difícil alimentar una población global en aumento.

Pero es posible restaurar la fertilidad de los suelos, y he aprendido mucho viajando alrededor del mundo para conocer agricultores que han adoptado prácticas regenerativas a gran escala comercial o a pequeña escala de subsistencia, haciendo investigaciones para mi nuevo libro “Growing a Revolution: Bringing our soils back to life” (Cultivar una Revolución: hacer renacer nuestros suelos). Desde Pensilvania hasta los Dakotas y de África a Latinoamérica, he visto pruebas convincentes de como una nueva concepción de la agricultura puede restablecer la salud del suelo, y eso de una manera increíblemente rápida.

Talleres sobre cultivos bajo cubiertas vegetales, la gestión de las malas hierbas y la práctica del no-laboreo en el Ranch Starck en Gainesville, Texas.


Esos agricultores han adoptado prácticas que favorece la vida benéfica del suelo. Han terminado con los laboreos y minimizado las perturbaciones del suelo. Han implantado cultivos de cubierta, especialmente leguminosas, en combinación con los cultivos comerciales. Y han parado de sembrar la misma cosa en el mismo sitio una y otra vez. En su lugar, han implantado una gran diversidad de cultivos con rotaciones complejas.
La combinación de esas técnicas favorece la diversidad en la vida microbiana benéfica del suelo que mejora el ciclo de los nutrientes, aumenta la materia orgánica, mejora la estructura del suelo, y de esta manera reduce las pérdidas por erosión.

Los agricultores que han implementado las tres técnicas han empezado a regenerar la fertilidad del suelo y después de varios años, han terminado ganando más dinero. Los volúmenes de cosecha y la materia orgánica del suelo han aumentado mientras su consumo de carburantes, fertilizantes et plaguicidas se reducía. Sus campos eran permanentemente más visitados por los polinizadores – mariposas y abejas – que las fincas convencionales del entorno. La reducción en el empleo de plaguicidas y el respeto de las plantas autóctonas en los alrededores de las parcelas se han traducido por un aumento de las especies predadoras que controlan a los insectos dañinos.

Los ganaderos innovadores también me han enseñado métodos que han mejorado su suelo, las vacas en sus fincas pastan como lo hacían antaño los bisontes, concentrándose en una pequeña área durante un corto periodo de tiempo, seguido de un largo reposo. Este modelo estimula la producción de sustancias azucaradas por las raíces de las plantas. Y este fenómeno nutre la vida del suelo que, a cambio, entrega a las plantas hormonas de crecimiento y nutrientes minerales. Dejar pastar a las vacas permite también enriquecer la materia orgánica del suelo por la dispersión del estiércol en los campos, en vez de concentrarlo en las fosas de los parques de estabulación.


La materia orgánica del suelo es la fundación de la red alimentaria del suelo, y hay un consenso entre los científicos con los que he podido hablar, para pensar que la materia orgánica del suelo es el mejor indicador de la salud del suelo. ¿Cuánto CO2 podrían almacenar los agricultores y ganaderos del mundo, por prácticas culturales que incorporan los residuos de cultivos y estimulan la actividad microbiana? Las estimaciones varían mucho, pero los agricultores que he conocido han hecho más que doblar el contenido en CO2 de sus suelos, en una o dos décadas. Si los agricultores del mundo entero hacen lo mismo, podría ayudar a compensar parcialmente las emisiones de energías fósiles para décadas venideras.

La restauración de los suelos no va a resolver el hambre en el mundo, parar el cambio climático, o evitar futuras perdidas de biodiversidad. Una sola acción no puede resolver tales problemas. Pero los agricultores innovadores que he encontrado me han demostrado que la adopción de la serie completa de las prácticas de la agricultura de conservación puede proveer mejores medios de subsistencia y ventajas medioambientales significativas tanto en fincas convencionales como en ecológicas.

La restauración de la fertilidad de los suelos agrícolas degradados es uno de los proyectos de infraestructuras naturales los más urgentes y los menos reconocidos por la humanidad, y traerá sus frutos para las generaciones futuras. Ya es necesario un esfuerzo que se parezca a un tiro de cohete hacia la luna, para restaurar la fuente de todas las civilizaciones prosperas:
Nuestro suelo, la piel de la Tierra.”

dimanche 15 octobre 2017

116- Prohibir el glifosato, y despúes, ...¿qué?

PROHIBIR EL GLIFOSATO, Y DESPÚES, ...¿QUÉ?


Bajo este título Mathieu, en la página web francesa Graines de Mane, publicaba el 15 de febrero de 2017 un buen artículo conciso sobre las interrogaciones que deja, entre los profesionales, la posible prohibición del glifosato. https://www.grainesdemane.fr/2017/02/15/supprimer-glyphosate-apres/


“Desde varios días la telenovela sobre la prohibición del glifosato, herbicida estrella de Monsanto, ha vuelto a arrancar. Una cuarentena de ONGs ha lanzado el 8 de febrero una petición europea llamando a “la prohibición del glifosato, en conformidad con las disposiciones europeas sobre plaguicidas, que prohíbe el uso de sustancias cancerígenas para el hombre”. Esta iniciativa llega después de que la OMS ha clasificado el glifosato como cancerígeno, y las tergiversaciones de las instancias europeas referentes a la renovación de su autorización de uso en Europa. A fin de cuentas, en junio 2016, la Unión Europea decidió prolongar su autorización durante 18 meses hasta la publicación de una nueva opinión científica.

A la espera de una eventual suspensión de autorización de la molécula, la cuestión en las explotaciones agrícolas se presenta de la forma siguiente: ¿Cómo vamos hacer sin el glifosato? Algunos agricultores consiguen no usarlo o reducir las dosis pero su estatuto de herbicida más vendido en el mundo demuestra hasta qué punto un gran número de sistemas agrícolas dependen de él… Y no solamente sistemas de agricultura intensiva. Algunos agricultores comprometidos con prácticas medioambientales virtuosas, siguen usando este producto a baja dosis. Es por ejemplo el caso de la agricultura de conservación, que busca mantener el suelo constantemente cubierto por vegetación, y no ararlo para preservar al máximo su estructura, la vida que alberga (lombrices y fauna variada) y limitar la erosión. Esas técnicas representan una solución para aumentar la fertilidad de los suelos y en consecuencia la sostenibilidad a largo plazo de los sistemas agrícolas. Por la supresión del arado, los agricultores mejoran la salud de los suelos pero pierden un medio efectivo de gestión de las malas hierbas. El éxito de esos cultivos pues depende en gran parte del empleo de herbicidas, entre los cuales, el glifosato.


Para esos agricultores, la supresión del glifosato desembocaría sobre un callejón técnico sin salida que podría tener, como consecuencia, el abandono de sus prácticas medioambientales virtuosas.

Las preocupaciones de la sociedad civil son totalmente legítimas y los agricultores hacen evolucionar sus técnicas para contestarlas. Darse cuenta de los efectos de las prácticas agrícolas sobre el medioambiente o la salud permite poner diariamente en la luz nuestras elecciones como consumidores. Saber cómo se producen los alimentos que se encuentran en nuestros platos es por consecuencia primordial. Entender las consecuencias de la voluntad de los ciudadanos sobre la realidad del funcionamiento técnico de las explotaciones agrícolas también. El debate levantado por la supresión del glifosato llama pues a otro: el, urgente, de la búsqueda de alternativas permitiendo a los productores de evitar el salto a lo desconocido, respondiendo al mismo tiempo los nuevos desafíos medioambientales de la agricultura. Cada día los productores, investigadores, organismos de desarrollo agrícola, innovan hacia formas más virtuosas de agricultura. La supresión anunciada del glifosato será mucho más eficaz si alternativas sostenibles sobre los planos agronómicos, medioambientales y económicos son desarrollados. Suprimir es una cosa, proponer alternativas es mucho mejor. Ese es sin lugar a dudas el verdadero desafío de los actores de la agricultura en los próximos años.



Desde la publicación de este artículo, han ocurrido muchas cosas, respecto al glifosato, desde el anuncio estruendoso por el ministro francés del voto negativo de Francia, hasta el anuncio, por el mismo ministro de una proposición de renovación para un periodo más corto, para tener tiempo de encontrar alternativas. También hemos visto la OMS anunciar que el glifosato es probablemente no cancerígeno, contradiciendo la clasificación de su propia agencia, el CIRC.
Hemos visto todas las agencias de seguridad alimentaria del mundo, y todos los científicos no comprometidos (sin financiación privada ni presión política o ideológica) clamar alto y fuerte que el glifosato, en condiciones normales de empleo, no presenta ningún riesgo ni para la salud, ni para el medioambiente.
También es cierto que es muy difícil saber (y desde luego esta cuidadosamente calculado), entre los miles de estudios publicados, cuales son objetivos (una minoría), y los que son financiados por un lado o el otro (o cuyos comités científicos son orientados, como fue el caso del CIRC), y que son mayoría.

El dosier del glifosato es un dosier trucado, manipulado, falsificado desde el principio. Este herbicida, el más utilizado en el mundo y también el más inocuo (según todos los estudios neutrales) se ha convertido en el chivo expiatorio, símbolo involuntario de la lucha contra los OGMs y contra Monsanto (a pesar de ya no ser propietario de la molécula desde 17 años, y de sacar solo +/- 15% de sus beneficios https://www.fool.com/investing/2016/05/26/how-much-money-does-monsanto-make-from-roundup.aspx), convirtiéndose en la diana de una amplia manipulación ideológica.

Podríamos debatir durante horas sobre los motivos de esta inverosímil propaganda, empleando hábilmente todos los medios puestos a su disposición (radio, televisión, peticiones, manifestaciones, redes sociales y más), digno de los más oscuros momentos de las peores dictaduras de la historia reciente, o más cerca de nosotros, de los peores movimientos ciudadanos o independentistas como últimamente el de Cataluña (muy hábil en su papel pervertido del David catalán contra el Goliat español), o también el Brexit.

Cartel de propaganda china de la época de la Gran Revolución Cultural Proletaria, enseñando los intelectuales como responsables de los males del país.


Recordemos, para que las cosas queden bien claras, esta declaración de Bernard Url, director ejecutivo de la EFSA, que explicaba, el 1 de diciembre de 2015, ante el parlamento europeo, para explicar la posición de la EFSA :

“La carta de 96 personas ha sido señalada muy a menudo. Para mí, es un buen ejemplo de la diferencia entre los métodos de trabajo de las dos organizaciones. Trabajamos sobre el glifosato con 100 científicos de los Estados Miembros. Ven las pruebas, contribuyen, cuestionan, participan a teleconferencias – es el procedimiento de la revisión por homólogos – y es con este conjunto de 100 científicos que hemos podido producir un resultado.

No hemos pedido a esos científicos de firmar una carta, que les guste el resultado o no. Un miembro del Parlamento lo ha expresado de manera muy justa. Dijo: “96 científicos se sienten incomodos frente a la opinión de la EFSA”. Y es precisamente de lo que se trata. Personas que no han contribuido a los trabajos, que probablemente no han visto las pruebas, que no han tenido tiempo de entrar en detalles, que no están implicadas en el proceso, han firmado una carta de apoyo.

Siento decirlo, pero con esta carta, salen del campo de la ciencia, entran en el campo del lobbying y de las campañas (“campaigning”), y no es la manera que tiene la EFSA de trabajar. Para mí, esto es la señal de que estamos entrando en la edad Facebook de la ciencia. Tenéis una evaluación científica, la ponéis en Facebook y contáis cuantas personas dicen “me gusta”. Para nosotros, no es un progreso. Nosotros, producimos una opinión científica, la defendemos, pero no tenemos que tomar en cuenta si gusta o no.”



Es un auténtico problema. Si un informe científico va al revés de la opinión pública, que en general enfoca los problemas sobre el ángulo afectivo, es enseguida vilipendiado, mediáticamente destruido, y los científicos (así como sus apoyos y defensores) sospechados o claramente acusados de haber sido corrompidos por alguien.
Estamos cayendo en una decadencia que toma el camino de arruinar nuestra civilización.

Pero esa no es la cuestión.
En lo que al glifosato se refiere, el daño está hecho. Sera muy difícil volver atrás. Acuérdate del caso Alar, que sin embargo tuvo lugar mucho antes de la existencia de las redes sociales y de la gran moda de las “peticiones ciudadanas”. Nos encontramos en una situación de manipulación de la opinión, pero mucho más grave. http://culturagriculture.blogspot.com.es/2015/02/38-el-caso-alar.html

La cuestión ya no es de saber si el glifosato será prohibido o no, tarde o temprano lo será. Es más bien de saber cómo los agricultores se van a tener que adaptar a su desaparición, legal o exigida por los mercados, demasiado asustados por la opinión de los consumidores, susceptibles de ir a otras tiendas si se enteran de que sus alimentos han sido cultivados con glifosato.
Porque no me hago muchas ilusiones. Me espero ver el glifosato, hasta ahora autorizado en todos los reglamentos de clientes (excepto para la producción ecológica, por supuesto), pasar al estatuto de desaconsejado o prohibido, con o sin justificación legal.


Pero los futuros productos de sustitución del glifosato, que obviamente llegarán, costarán del orden de 5 a 6 veces más caro. Es normal, es la regla. Pero cambia considerablemente el fondo del problema para los agricultores, que ya tienen a menudo muchas dificultades para rentabilizar su trabajo.

Por lo tanto es urgente encontrar alternativas. Esperemos de la Comisión Europea tendrá la inteligencia de no abandonar esta molécula en un plazo demasiado corto, y sabrá favorecer la investigación de métodos alternativos.

Un muy interesante artículo sobre el tema ha sido recientemente publicado en el periódico cristiano “La Croix” https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et-ethique/Comment-passer-glyphosate-2017-10-03-1200881487
Podemos leer el interesante testimonio de un joven agricultor francés, profundamente convencido e implicado en un nuevo concepto de agricultura. Trabaja el tema desde mucho tiempo y explica:
“Me dijeron que era loco, que no podía tener éxito. Pero después de varios de trabajo y de ajustes, ya está: tuve buenos resultados e año pasado, espero poder confirmarlos, pero tengo confianza”.
Sin embargo, es consciente de la dificultad de esta transición:
“No he llegado hasta eso de un día para otro. Y si estoy convencido de que podremos finalmente evitar el uso de herbicidas gracias a las cubiertas vegetales, una prohibición brusca sería un error.”


Que mis lectores no europeos lo tengan claro. Si el glifosato queda prohibido en la Unión Europea, primer mercado de alimentos en el mundo, el resto del mundo también lo hará, a más o menos largo plazo.
La búsqueda de soluciones alternativas permitirá salvaguardar las técnicas de agricultura virtuosa, como la agricultura de conservación y la producción integrada.

No hay derecho, por oscuros motivos ideológicos, cuestionar todo lo que es una garantía de seguridad alimentaria, de calidad y de seguridad de los alimentos, y de reducción de los efectos de la agricultura sobre el calentamiento global.

La agricultura europea es la más productiva, la más sana y la más respetuosa del mundo. Se viene de todas partes del planeta para aprender los métodos y las técnicas empleadas.
Seguirá su evolución y se adaptara a todas las situaciones, como siempre lo ha hecho. Pero cualquier cambio profundo requiere tiempo, formación, costes, investigación, inversiones.

Muchas preguntas, cruciales, quedan por aclarar, muchos puntos esenciales no han probablemente sido estudiados, o no lo suficiente.
¿Podría la agricultura europea perder en competitividad frente a la competencia no comunitaria?
¿Aceptarán los actores de los canales comerciales de los alimentos, el juego del aumento de los costos, respetando los precios de costes de los agricultores?
¿Están los consumidores dispuestos a aceptar un probable aumento de los precios de sus alimentos?
¿Preferirán los mercados, comprar productos no comunitarios, más baratos pero a menudo menos seguros, con el fin de mantener sus márgenes sin aumentar los precios al consumo?

El futuro de la calidad de los alimentos en la Unión Europea está en juego, pero pocas personas parecen darse cuenta de ello.



116- Supprimer le glyphosate, et après...?

SUPPRIMER LE GLYPHOSATE, ET APRÈS… ?


Sous ce titre Mathieu, sur la page web Graines de Mane, publiait le 15 février 2017 un bel article, concis, sur les interrogations que laisse dans la profession, la possible future interdiction du glyphosate.


« Depuis quelques jours le feuilleton sur la suspension du glyphosate, herbicide vedette de Monsanto, est reparti. Une quarantaine d’ONG a lancé le 8 février dernier une pétition européenne appelant à « l’interdiction du glyphosate, conformément aux dispositions européennes sur les pesticides, qui interdisent l’usage de substances cancérigènes chez l’homme ».  Cette initiative survient notamment après que l’OMS a classé le glyphosate cancérogène, et les tergiversations des instances européennes à propos du renouvellement de son autorisation d’emploi en Europe. Au final, en juin 2016, l’Union européenne a finalement décidé de prolonger son utilisation pendant dix-huit mois jusqu’à la publication d’un nouvel avis scientifique.

Dans l’attente d’une éventuelle suspension d’autorisation de la molécule, la question dans les exploitations agricoles se pose donc de la manière suivante : comment faire sans le glyphosate ? Des agriculteurs arrivent à s’en passer ou bien à réduire les doses mais son statut d’herbicide le plus vendu dans le monde montre à quel point bon nombre de systèmes agricoles en sont dépendants… Et pas uniquement des systèmes d’agriculture intensive. Ainsi, certains agriculteurs, bien qu’engagés dans des pratiques environnementales vertueuses, continuent d’utiliser ce produit à faible dose. C’est par exemple le cas de l’agriculture de conservation, qui vise à garder un sol constamment couvert par de la végétation et à ne pas labourer le sol pour préserver au maximum sa structure, la vie qu’il héberge (vers de terre et faune diverse) et limiter l’érosion. Ces techniques représentent une solution pour augmenter la fertilité des sols et donc la durabilité à long terme des systèmes agricoles. En supprimant le labour, les agriculteurs améliorent la santé de leurs sols mais se passent d’un moyen efficace de gestion des mauvaises herbes. La bonne réussite de ces cultures dépend donc en grande partie de l’emploi d’herbicides, dont le glyphosate.


Pour ces agriculteurs, la suppression du glyphosate déboucherait donc sur une impasse technique qui pourrait avoir pour conséquence l’abandon de leurs pratiques environnementales vertueuses.

Les préoccupations de la société civile sont parfaitement légitimes et les agriculteurs font évoluer leurs techniques pour y répondre. Se rendre compte des effets des pratiques agricoles sur l’environnement ou la santé permet d’éclairer quotidiennement nos choix de consommateurs. Savoir comment sont produits les aliments qui se retrouvent dans nos assiettes est donc primordial. Comprendre les conséquences des volontés des citoyens sur la réalité du fonctionnement technique des exploitations agricoles aussi. Le débat soulevé par la suppression du glyphosate en appelle donc un autre : celui, urgent, de la recherche d’alternatives permettant aux producteurs d’éviter le saut dans l’inconnu, tout en répondant aux nouveaux défis environnementaux de l’agriculture. Chaque jour des producteurs, chercheurs, organismes de développement agricole, innovent pour des formes d’agricultures plus vertueuses. La suppression annoncée du glyphosate sera d’autant plus efficace si des alternatives durables sur les plans agronomiques, environnementaux et économiques sont développées. Supprimer, c’est une chose, proposer des alternatives, c’est encore mieux. Là est sans doute le vrai défi des acteurs de l’agriculture dans les années à venir. »



Depuis la publication de cet article, beaucoup de choses se sont passées, à propos du Glyphosate, depuis l’annonce fracassante par le ministre français du vote négatif de la France, jusqu’à l’annonce, par le même ministre d’une proposition d’un renouvellement de plus courte durée, afin d’avoir du temps pour chercher des alternatives.
Nous avons aussi vu l’OMS annoncer que le glyphosate n’est probablement pas cancérigène, prenant ainsi à contrepied la classification de sa propre agence, le CIRC.
Nous avons vu toutes les agences de sécurité alimentaires du monde, et tous les scientifiques non engagés (sans financement privé ni pression politique ou idéologique) clamer haut et fort que le glyphosate, dans des conditions normales d’utilisation, ne pose aucun problème, ni pour la santé, ni pour l’environnement.
Il est également vrai qu’il est très difficile de savoir (et c’est d’ailleurs soigneusement calculé), parmi les milliers d’études publiées, quelles sont les objectives (une minorité), et celles qui sont financées par un bord ou l’autre (ou dont les comités scientifiques sont orientés, comme ç’a été le cas pour le CIRC), et qui sont la majorité.

Le dossier du glyphosate est un dossier truqué, manipulé, falsifié depuis le début. Cet herbicide, le plus utilisé dans le monde et aussi le plus inoffensif (selon toutes les études scientifiques objectives) est devenu le bouc émissaire, symbole involontaire de la lutte contre les OGM et contre Monsanto (qui n’en est pourtant plus propriétaire depuis 17 ans, et qui n’en génère que +/- 15% de ses bénéfices https://www.fool.com/investing/2016/05/26/how-much-money-does-monsanto-make-from-roundup.aspx), devenant la cible d’une vaste manipulation idéologique.

On pourrait longuement débattre sur les raisons de cette invraisemblable propagande, utilisant habilement tous les moyens mis à sa disposition (radio, télévision, pétitions, manifestations, réseaux sociaux et j’en passe), digne des plus sombres heures des pires dictatures de l’histoire récente, ou plus près de nous, des pires mouvements citoyens ou indépendantistes comme dernièrement celui de la Catalogne (très habile dans son rôle perverti du David catalan contre le Goliath espagnol), ou encore le Brexit.

Affiche de propagande chinoise de l’époque de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, montrant les intellectuels comme responsables des maux du pays.


Rappelons, pour que les choses soient bien claires, cette déclaration de Mr Bernard Url, directeur exécutif de l’EFSA, qui expliquait, le 1er Décembre 2015, devant le parlement européen, pour expliquer la position de l’EFSA (traduction de Wackes Seppi http://seppi.over-blog.com/2016/01/m-bernhard-url-directeur-executif-de-l-efsa-le-parlement-europeen-et-le-glyphosate.html ) :
« La lettre de 96 personnes a été mentionnée très souvent. Pour moi, c'est un très bon exemple de la différence entre les modes de travail des deux organisations. Nous travaillons sur le glyphosate avec 100 scientifiques des États Membres. Ils voient les preuves, ils contribuent, ils contestent, ils participent à des téléconférences – c'est le processus de revue par les pairs – et c'est avec cet ensemble de 100 scientifiques que nous avons pu produire un résultat.
Nous n'avons pas demandé à ces scientifiques de signer une lettre, qu'ils aiment ou non le résultat. Un membre du Parlement l'a exprimé de manière fort juste. Elle a dit : "96 scientifiques se sentent mal à l'aise face à l'opinion de l'EFSA." Et c'est bien de cela qu'il s'agit. Des gens qui n'ont pas contribué aux travaux, qui n'ont vraisemblablement pas vu les preuves, qui n'ont pas eu le temps d'entrer dans le détail, qui ne sont pas impliqués dans le processus, ont signé une lettre de soutien.
Je suis désolé de le dire, mais avec cette lettre, vous quittez le domaine de la science, vous entrez dans le domaine du lobbying et des campagnes (« campaigning »), et ce n’est pas la façon dont l’EFSA travaille. Pour moi, ceci est le signe que nous entrons dans l’âge Facebook de la science. Vous avez une évaluation scientifique, vous la mettez sur Facebook et vous comptez combien de personnes « aiment ». Pour nous, ce n’est pas un progrès. Nous, nous produisons une opinion scientifique, nous la défendons, mais nous n’avons pas à prendre en compte si c’est aimé ou pas ».



C’est un vrai problème. Si un rapport scientifique va à l’encontre de l’opinion publique, qui en général n’aborde le sujet que sur le plan affectif, il est immédiatement vilipendé, médiatiquement massacré, et les scientifiques (ainsi que leurs soutiens et défenseurs) soupçonnés ou clairement accusés d’avoir été corrompus par quelqu’un.
Nous sombrons dans une décadence qui prend le chemin de ruiner notre civilisation.

Mais là n’est pas la question.
En ce qui concerne le glyphosate, le mal est fait. Il sera impossible de faire marche arrière. Rappelez-vous l’affaire Alar, qui pourtant s’est déroulée bien avant l’existence des réseaux sociaux, et de la grande mode des « pétitions citoyennes ». Nous sommes dans une situation de manipulation similaire de l’opinion, mais beaucoup plus grave. http://culturagriculture.blogspot.com.es/2015/02/38-laffaire-alar.html

La question n’est plus de savoir si le glyphosate sera interdit ou pas, tôt ou tard il le sera. Elle est plutôt de savoir comment les agriculteurs vont devoir s’adapter à sa disparition, légale ou exigée par les marchés, trop effrayés de l’opinion des consommateurs, susceptibles de se tourner vers d’autres enseignes s’ils apprenaient que leurs aliments ont pu être cultivés avec du glyphosate.
Car je ne me fais aucune illusion. Je m’attends à voir le glyphosate, jusqu’ici autorisé dans tous les cahiers des charges de clients (sauf pour la production biologique, bien sûr), passer au statut de déconseillé ou interdit, avec ou sans justification légale.


Or les futurs produits de substitution du glyphosate, qui ne manqueront pas d’arriver, seront forcément 5 à 6 fois plus chers. C’est normal, c’est la règle. Mais ça change considérablement les données du problème pour les agriculteurs, qui ont souvent déjà bien du mal à rentabiliser leur travail.

Il est donc très urgent de trouver des alternatives. Espérons que la Commission Européenne aura l’intelligence de ne pas abandonner la molécule dans un délai trop court, et saura favoriser la recherche de méthodes alternatives.

Un très intéressant article sur le sujet a récemment été publié dans le périodique chrétien « La Croix » https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et-ethique/Comment-passer-glyphosate-2017-10-03-1200881487
On peut y lire l’intéressant témoignage d’un jeune agriculteur français, profondément convaincu et impliqué dans une nouvelle conception de l’agriculture. Il y travaille depuis longtemps et nous explique :
« On m’a dit que j’étais fou, que je ne pouvais pas réussir. Mais, après plusieurs années de travail et d’ajustements, ça y est : j’ai eu de bons résultats l’année dernière, j’attends qu’ils se confirment mais je suis confiant ».
Pourtant, il est conscient que cette transition est difficile :
« Je ne suis pas arrivé là du jour au lendemain. Et si je reste convaincu que l’on pourra à terme se passer des herbicides grâce aux couverts végétaux, une interdiction brutale serait une erreur. »


Que mes lecteurs non européens n’en doutent pas. Si le glyphosate est interdit dans l’Union Européenne, premier marché alimentaire mondial, le reste du monde y viendra aussi, à plus ou moins longue échéance.
La recherche de solutions alternatives permettra de sauvegarder les techniques d’agriculture vertueuse, comme l’agriculture de conservation et la production intégrée.

On n’a pas le droit, pour de sombres raisons idéologiques, de remettre en cause tout ce qui est une garantie de sécurité alimentaire, de qualité et de sécurité des aliments, et de réduction des effets de l’agriculture sur le réchauffement climatique.

L’agriculture européenne est la plus performante, la plus saine et la plus respectueuse au monde. On vient de tous les coins de la planète pour apprendre des méthodes et techniques utilisées.
Elle poursuivra son évolution et s’adaptera à toutes les situations, comme elle l’a toujours fait. Mais tout changement profond exige du temps, de la formation, des coûts, de la recherche, de l’investissement.

Bien des questions, cruciales, restent à poser, bien des points essentiels n’ont sans doute pas été envisagés, ou pas assez profondément.
L’agriculture européenne perdra-t-elle en compétitivité face à la concurrence non communautaire?
Les acteurs des canaux commerciaux des aliments, joueront-ils le jeu de l’augmentation des coûts, en respectant les prix de revient des agriculteurs ?
Les consommateurs, seront-ils prêts à accepter une augmentation probable des prix de leurs aliments ?
Les marchés préfèreront-ils acheter des produits non communautaires, moins chers mais souvent moins sûrs, afin de préserver leurs marges sans augmenter les prix à la consommation ?

L’avenir de la qualité de l’alimentation européenne est en jeu, mais pas grand monde ne semble s’en rendre compte.

Image : https://www.bioversityinternational.org/fileadmin/user_upload/research/Quinoa_Bridge.jpg