MERCI, AGRICULTEUR, DE REMPLIR NOTRE
GARDE-MANGER !
Sous ce titre (¡Gracias, agricultor, por
llenar nuestra despensa !), José Antonio Arcos, journaliste espagnol
spécialisé en information agricole, très centré sur l’Espagne et l’Europe, publiait
il y a quelques jours un éloge aux agriculteurs sur sa page web, que je
conseille à tous ceux qui s’intéressent à l’agriculture et à la production
d’aliments.
Depuis plusieurs semaines, avec la crise
actuelle du Covid-19, nous sommes tous très sensibilisés et reconnaissants de
l’incroyable travail de tous les corps médicaux, souvent réalisé dans des
conditions difficiles et même parfois précaires, avec un énorme dévouement en
ces temps particulièrement difficiles que nous traversons.
José Antonio Arcos a voulu nous rappeler
que les agriculteurs continuent à produire les aliments dont nous avons besoin,
et que grâce à leur labeur quotidien et malgré la situation de confinement,
nous disposons jour après jour d’aliments de qualité, bien que la vie
économique de nos pays soit presque paralysée.
Je veux me joindre à cet éloge, en tant que
consommateur et aussi en tant qu’agriculteur. Merci à tous.
Merci également à tous les ouvriers
agricoles que poursuivent leur dur labeur dans les champs malgré la situation
si tendue que nous vivons. Sans vous, beaucoup de fermes seraient à l’arrêt,
malgré la bonne volonté des agriculteurs.
Image personnelle
« Si nous pouvons rester enfermés chez nous
durant quinze jours et ceux qui suivront avec le garde-manger plein, c’est
grâce aux agriculteurs. C’est grâce au secteur primaire –
qu’ils soient pêcheurs, éleveurs ou agriculteurs – que nous pouvons éviter la
faim et la désespérance d’une situation comme celle que nous vivons en Espagne
à cause du coronavirus. Il n’y a pas de famine parce qu’il y a des aliments. Il
y a des aliments parce qu’il y a des producteurs (agriculteurs, éleveurs et
pêcheurs).
Grâce
à ce travail des hommes et des femmes de l’Espagne Vidée*, nous mangeons tous.
L’Espagne Vidée ou Vide, l’Espagne rurale donne vie à l’Espagne urbaine et à
chaque table sur laquelle on pose une assiette. Ce sont mes héros.
Valoriser la
souveraineté alimentaire.
Il
est possible que désormais les millions d’Espagnols qui vivent en marge de
l’agriculture et des différents secteurs de l’activité du monde agricole puissent
comprendre le concept de souveraineté
alimentaire. Ces deux mots, que durant ces dernières semaines les
agriculteurs et les éleveurs ont crié dans les rues de toute l’Espagne, ne sont
pas vides de sens.
Souveraineté
alimentaire signifie la capacité d’une
nation à s’auto-approvisionner. L’exemple typique, nous le voyons ces
jours-ci alors que des millions de consommateurs ont fait des courses massives
d’aliments, et ils ont trouvé les
produits nécessaires pour remplir leurs paniers. Ces produits, ces aliments, n’apparaissent pas par
génération spontanée dans un supermarché ou un magasin de fruits et légumes,
ces aliments sans lesquels rien ne serait possible sont produits par un agriculteur. C’est leur créateur.
Cette
souveraineté alimentaire prend un sens encore plus profond en situation de
crise comme l’actuelle pour cause de coronavirus, face aux hypothétiques
limitations ou fermetures des frontières. La
souveraineté alimentaire permet que, en marge de ce qui pourrait se produire à
l’extérieur, un pays reste capable d’alimenter sa population.
Merci,
agriculteur et éleveur, gens de la terre. Merci pêcheur, homme de la mer.
Lorsque
nous sortirons de cette pandémie (Covid-19), parce qu’il est certain que tous
ensemble nous vaincrons le virus, quand ça se produira (ça se produira), s’il
vous plait souvenez-vous que nous ne
pouvons pas laisser tomber notre secteur primaire qui est celui qui nous donne
à manger. C’est prioritaire.
A
part que beaucoup peuvent désormais comprendre ce qu’est la souveraineté
alimentaire, ils comprendront aussi pourquoi les agriculteurs sont un secteur stratégique.
Sans
agriculture, il n’y a rien («Sine agricultura, nihil»**). Ce sont mes héros. Applaudissons-les tous. »
*L’expression Espagne Vidée (España
Vaciada) s’est développée depuis quelques mois pour illustrer les effets de
l’exode rural, de l’explosion démographique et économique des grandes cités du
pays, et du manque de recours économiques, techniques et technologiques dont
souffrent de plus en plus les zones rurales, sans qu’il y ait apparemment une
volonté politique d’influer sur cette tendance. C’est aussi un mouvement de
revendication de droits pour ces régions immenses, indispensables à la
souveraineté alimentaire du pays, et abandonnées par les gouvernements
successifs.
** Sine agricultura, nihil est la devise latine
du corps des ingénieurs agronomes espagnols.
Cette crise pourrait s’avérer être le
révélateur des politiques inadaptées de ces dernières décennies, qui ont vu le
tissus industriel, artisanal et agricole se modifier profondément dans les pays
industrialisés.
Les marchés des pays riches se sont
convertis en un vaste champ de bataille de prix, obligeant de nombreuses activités
et entreprises des secteurs primaire et secondaire à disparaître ou à chercher
le salut dans des pays où les coûts sont beaucoup plus faibles, bien que
beaucoup plus éloignés. Dans le même temps, pour des raisons que j’ai déjà
expliquées dans plusieurs articles, la population urbaine a perdu le contact
avec son agriculture et ne sait désormais plus ce qu’est le travail de la
campagne, ses exigences et ses contraintes, les risques que doit supporter le
secteur de production pour que tous les consommateurs puissent accéder à tout
moment à une alimentation abondante, diversifiée et saine, à un prix très
accessible.
Mais cette évolution a des conséquences que
nous commençons à vraiment mesurer maintenant, en termes environnementaux et
économiques bien sûrs, et désormais aussi en termes de sécurité sanitaire et de
souveraineté alimentaire.
Nous sommes actuellement en pleine crise
sanitaire. De plus en plus de pays prennent des décisions drastiques de
confinement, plus ou moins réaliste en fonction du pays. Plus l’ordre de
confinement est strict, plus le nombre de métier affectés augmente.
En Espagne, seules les activités liées à la
santé, la sécurité, l’hygiène, la communication, la production d’énergie et l’alimentation
ont encore le droit de fonctionner. Les autres activités ne fonctionnent plus
que par télétravail. On se rend alors compte que les loisirs, le tourisme, l’industrie,
la construction ne sont pas des activités de première nécessité. Tout cela peut
s’arrêter, pour quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, mais l’alimentation
donc l’agriculture, reste la base de la survie.
En France, le manque de main d’œuvre immigrée
pour cause de fermeture des frontières rend certains travaux agricoles
impossibles. Un appel a été lancé il y a quelques jours, et en moins d’une
semaine, 80.000 citadins y ont répondu. Est-ce un soudain intérêt pour les
travaux des champs, le désir de fuir la ville et sa promiscuité, la possibilité
de maintenir un revenu malgré la crise ou la possibilité d’échapper au
confinement, qui attire tant de gens ?
Que
restera-t-il de tout cela lorsque cette crise sanitaire sera finie ?
Qui
se souviendra que la souveraineté alimentaire n’est pas une vue de l’esprit, mais un besoin vital de toute société humaine ?
Parlera-t-on
encore de l’évolution de l’agriculture européenne vers une activité d’entretien
des paysages, dont la rentabilité n’a pas vraiment d’importance,
pourvu qu’elle soit « propre » et politiquement correcte ?
Pourra-t-on
alors retrouver un débat sain, non idéologique, sur la production d’aliments, le besoin de développer une agriculture productive, durable, rentable,
saine, destinée en priorité à une consommation de relative proximité ?
Très cher lecteur, si comme moi, vous êtes
confiné chez vous, vous aurez le temps de lire.
Je ne résiste donc pas à l’envie de joindre
le lien d’un article initialement publié le 19 mars 2015, c’est-à-dire il y a
tout juste 5 ans. Les choses ont vraiment peu changé depuis.
Mais l’urgence de préserver la souveraineté
alimentaire est toujours plus grande.
http://culturagriculture.blogspot.com/2015/03/40-fier-detre-agriculteur.html
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