Je vais essayer de
vous expliquer les différentes méthodes de production employées en agriculture.
Actuellement, on distingue, au niveau des marchés, le Bio, et le reste,
regroupé sous le nom générique de « production conventionnelle ».
Or le Bio se divise au
moins en deux : l’agriculture biologique et l’agriculture biodynamique. De
son côté, l’agriculture conventionnelle se divise au moins en trois :
l’agriculture traditionnelle, l’agriculture conventionnelle et l’agriculture
intégrée.
Pourquoi ne connait-on
pas tout ça ? Á cause du mode de distribution des produits. Les
grossistes, comme les supermarchés, ne peuvent ou ne veulent pas avoir plus de
deux lignes de produits, car ça leur compliquerait la distribution et la
communication, et cela pourrait leur provoquer une augmentation des coûts en
stockage et en magasin. Ils limitent donc les rayons à deux types de produits,
les produits bio (sans distinction) et les produits conventionnels (sans
distinction non plus).
Pourtant il existe de grandes différences entre les
méthodes de production.
Je vais donc essayer
de vous expliquer tout cela de manière simple.
J’ai prévu de le faire
en trois publications. La première, aujourd’hui, sur l’agriculture
conventionnelle, la deuxième sur l’agriculture biologique, et la troisième, sur
ce que j’appelle la troisième voie, la production intégrée.
AGRICULTURE
TRADITIONNELLE.
C’est le mode de
production à l’origine de toutes les formes d’agriculture actuelles. Elle
repose sur une agriculture essentiellement vivrière, très artisanale. Cela
reste le mode de production le plus habituel dans les parties du monde où la
modernité n’a pas encore profondément modifié les modes de vie.
Jusqu’à la fin du 19ème
siècle, c’était le seul mode de production à l’échelle planétaire, avec
seulement quelques variantes locales, et des variantes sociales.
Comment peut-on la
caractériser ?
Par une tradition
orale et pratique, par un manque de connaissances scientifiques, mais une
grande connaissance des interrelations et des rythmes naturels, basée sur
l’observation et sur la tradition.
On peut aussi la
caractériser par l’utilisation principale de la traction animale et le travail
manuel, et par très peu de mécanisation, ou rudimentaire. Pendant longtemps
c’est cette forme d’agriculture qui a été utilisée dans des fermes de grande
taille, mais sous un mode féodal ou esclavagiste. C’est actuellement devenu une
agriculture de structures de petite taille, une économie familiale.
Dans les nombreuses
régions du monde où ce mode de production reste le principal, c’est une
agriculture fragile, car très dépendante des conditions climatiques. Elle est
aidée par de nombreuses missions d’ONG dont les objectifs sont souvent d’ouvrir
des puits, afin de limiter la dépendance au climat, et de former les
agriculteurs à des techniques de production plus précises afin de les aider à
améliorer les rendements par de meilleures pratiques agronomiques (éviter les
brûlages, par exemple, ou gérer les rotations de culture, ou apprendre à
limiter les effets de l’érosion, ou encore mieux gérer l’irrigation et les
ressources en eau).
L’objectif initial de
ce type de production est l’alimentation du groupe, le fonctionnement d’une
micro société humaine, autour de l’agriculture comme activité principale. Elle
permet le développement de nombreuses activités artisanales (tissage,
ferronnerie, poterie,...). Cette activité génère peu de revenus, sauf ce qui
peut être vendu sur les marchés directs de proximité.
La production agricole traditionnelle est
proche d’une production biologique ou même biodynamique, mais pas par philosophie,
sinon par obligation. Cependant, il n’y a en général pas de refus des
traitements ou de la chimie, mais davantage une difficulté de l’accès à des
techniques plus modernes.
Ce
type d’agriculture commet très souvent un certain nombre d’erreurs qui conduit
à des pertes de production, et même des pertes de surfaces agricoles:
- - Labours et méthodes de culture (irrigation, fertilisation,
brûlages de restes) favorisant l’érosion des sols, leur dégradation et leur
perte de fertilité,
- - Gestion globale des cultures basée sur des techniques favorisant
les déséquilibres végétatifs, et provoquant de nombreux besoins de correction,
nutritionnelle et phytosanitaire (les déséquilibres nutritionnels aggravent les
problèmes sanitaires).
- - Pas ou peu de
préoccupation environnementale
- - Pas ou peu de
raisonnement de la gestión de l’eau.
Des vétérinaires
tournent généralement pour vacciner ou soigner les troupeaux, afin d’éviter les
risques d’épidémies, mais les cultures restent presque entièrement soumises aux
aléas climatiques. Il faut dire qu’une agriculture aussi artisanale et pauvre
n’est pas attractive pour les entreprises de fournitures, et elles font peu
d’efforts pour aider une agriculture peu habituée à investir ou à dépenser de
l’argent en fournitures.
Dans certaines zones,
des coopératives se sont mises en place, de manière à aider ces agriculteurs à dominer,
développer et commercialiser leurs productions. Elles peuvent servir de relai
entre les fournisseurs et les agriculteurs.
Cependant cette
structure sociale séculaire est devenue fragile face aux ambitions de sociétés agroalimentaires
pas toujours scrupuleuses. Ces agriculteurs sont des cibles faciles pour des
sociétés commerciales qui cherchent à vendre des produits de tous types, ou à
développer de grandes structures productives qui peuvent grandement perturber
le fonctionnement social des zones concernées.
Ces modernisations de
zones rurales traditionnelles ne sont pas forcément mauvaises si elles sont
correctement pensées et organisées, et à terme, elles peuvent s’avérer très
utiles pour réduire la fragilité et la dépendance économique et sociale, mais à
condition de ne pas laisser de côté les fondements de l’organisation humaine,
culturelle et sociale locale.
Pour conclure, je noterai
juste que, dans les pays industrialisés, les agriculteurs désireux de faire une
agriculture traditionnelle ne s’orientent généralement pas vers cette voie,
mais choisissent presque systématiquement
l’agriculture biologique.
AGRICULTURE
CONVENTIONNELLE :
Il s’agit simplement
de l’état actuel de l’agriculture en général, c’est-à-dire l’évolution de
l’agriculture traditionnelle après avoir adapté petit à petit toutes les
techniques de modernisation au fur et à mesure qu’elles se sont présentées.
En fait, il n’y a pas
une forme d’agriculture conventionnelle, mais une infinité de variantes, qui
sont toutes basées sur ce principe. Le but d’origine est d’améliorer les
résultats productifs en réduisant le coût, ainsi que la pénibilité et les
risques liés au travail, comme toutes les activités humaines l’ont fait depuis
toujours.
Le mot conventionnel
ne veut pas dire grand-chose dans ce cas, mais sous cette dénomination, on
entend généralement une agriculture utilisant toutes les techniques modernes
disponibles (mécanisation, irrigation, fertilisation, protection
phytosanitaire, utilisation de moyens de télécommunication avancés comme le GPS
pour travailler de manière plus précise).
Entre l’agriculture
traditionnelle la plus « primitive » que je décris d’abord, et
l’agriculture conventionnelle la plus moderne, il existe de nombreuses
variantes, toutes cataloguées « production conventionnelle », bien
qu’elles soient souvent très différentes les unes des autres.
Toutes les techniques
utilisées visent à rendre les productions performantes, avec des rendements
élevés et une minimisation des gaspillages.
On a beaucoup critiqué,
et on continue à critiquer cette orientation productiviste, mais il faut
regarder ça avec un peu de recul.
Les agriculteurs ne
font généralement pas n’importe quoi. Ils gèrent leurs fermes comme des
entreprises, avec un calcul précis des coûts et des investissements raisonnés.
Ils utilisent, au niveau agricole, les mêmes modes de raisonnement que dans
n’importe quelle entreprise industrielle ou de service.
Comme dans n’importe
quelle activité, il y a eu des abus, mais c’est de moins en moins le cas, car
l’économie des entreprises ne le permet plus. Les apports de fertilisants sont
calculés de la manière la plus exacte possible, les traitements sont réalisés
avec des machines de plus en plus précises et performantes, afin d’éviter les
risques de pertes de produits et les gaspillages en tout genre (tout produit
gaspillé est de l’argent perdu pour l’entreprise).
Là encore, les
protocoles de production sont en train de s’imposer dans la plupart des
entreprises, visant à contrôler la qualité du travail et à assurer que les
interventions, quelles qu’elles soient, aient été correctement raisonnée au
préalable (contrôle du processus de décision).
Les structures de
commercialisation ne peuvent plus, aujourd’hui, se permettre de mettre à la
vente un produit dont les contrôles ne soient pas suffisants. Les récents
scandales alimentaires de tous types mettent en danger de nombreuses
professions qui tournent autour de l’alimentation, à cause de quelques
personnes malhonnêtes ou incompétentes. Ces protocoles visent à les éviter, et
à conforter la très grande majorité des gens qui travaillent bien, en offrant
une garantie et une traçabilité qui n’existait pas jusqu’à présent.
Encore une fois, ce
n’est pas la première fois que je le dis, et ce ne sera pas la dernière,
l’agriculture a opéré depuis plusieurs années une révolution interne qui change
totalement la donne.
Même s’il reste encore
des progrès à faire, j’affirme que
l’agriculture conventionnelle aujourd’hui, est une agriculture gérée par de
bons professionnels, contrôlée par des administrations et des organismes privés
efficaces et exigeants. Cela en fait une agriculture performante, sûre, et
toujours plus respectueuse de l’environnement et de la santé.
Les rumeurs et peurs
colportées et entretenues par certains groupes de pression sont désormais fausses,
et visent surtout à détourner les consommateurs de leurs habitudes en créant un
besoin artificiel et injustifié.
Il est regrettable que
l’agriculture conventionnelle soit l’objet d’une campagne de dénigrement si
virulente, par des groupes qui n’ont pas besoin de se demander s’il vont
pouvoir manger à leur faim demain (c’est une inquiétude de ventre plein), alors
que ce type de production représente la production alimentaire de plus de 90%
de l’humanité.
Le prochain chapître de cette série concernera l'agriculture biologique.