lundi 14 avril 2014

12- Nous sommes tous des cibles!

Vous pensez peut-être avoir votre libre arbitre en ce qui concerne vos achats, et ici, je parle de tout, alimentation, voitures, vêtements, électro-ménagers, électronique. 
Détrompez-vous. Vous choisissez seulement parmi une gamme soigneusement élaborée par les fabricants et les producteurs. 
Mais ce n’est pas tout, car une fois élaborée cette gamme, arrivent les metteurs en marchés (boutiques ou grands magasins), qui à leur tour, choisissent ce qu’ils pensent correspondre à ce que vous allez leur acheter. Car personne n’est disposé à vous offrir toute la gamme, car cela supposerait des magasins gigantesques, ou trop spécialisés. Imaginez un magasin seulement spécialisé dans les sièges, qui prétendrait proposer la totalité des modèles disponibles sur le marché. Il aurait besoin d’un hall d’exposition démesuré, et d’un stock encore plus grand, et d’une valeur énorme.

Pour l’alimentation, c’est la même chose, c’est-à-dire qu’il existe une grande variété d’offre, dont vous ne trouverez jamais qu’une partie limitée.

Comment les metteurs en marché choisissent-ils les produits supposés plaire au consommateur ? 
À travers des enquêtes de consommateurs, les études psychosociologiques, les études réalisées auprès des restaurants, cafeterias et cantines, ainsi, bien sûr, que les études de consommation des produits présentés dans les rayons. Nous sommes ainsi classés selon notre situation familiale, professionnelle, intellectuelle, notre âge, notre obédience religieuse, notre préférence politique, nos revenus, nos goûts personnels, nos centres d’intérêts, et une foule d’autres informations ou détails. 
Toutes ces informations, nous les laissons transparaître au travers d’entrevues, enquêtes, tests psychologiques par internet ou par téléphone, et toutes sortes de questionnaires auxquels nous répondons, de plus en plus fréquemment, souvent sans savoir à quoi ils peuvent être utilisés, lors d’un contrat d’assurance, de connexion à Internet, de téléphone ou de quoi que ce soit d’autre.

Bref, on étudie le consommateur, on le catégorise, on le classifie et on en fait une cible de vente.
Vous êtes consommateur de produits bio ? donc vous êtes,
-       soit de pensée située plutôt à gauche, tendance écologiste, mais plutôt intellectuel et classe moyenne ou supérieure
-       soit écologiste convaincu, voire militant
-       soit classe supérieure, pensant plutôt à droite, et plus préoccupé de votre santé et de celle de votre famille que de l’environnement.
Cette liste ne se veut ni exacte, ni exhaustive, elle est juste une illustration du genre de portrait-robot dans lesquels sont classés les consommateurs, afin de déterminer leurs besoins supposés, leurs envies potentielles et leur pouvoir d’achat. Cela permettra, au bout du compte, de choisir selon des critères objectifs (bien que probablement discutables) les produits qui seront mis en rayon à leur intention.

Toute mise en rayon répond à une étude préalable de consommation, destinée à estimer le potentiel commercial du produit.
Certains produits sont devenus tellement incontournables que leur absence dans les rayons pourraient faire baisser la fréquentation du supermarché. Pour n’en citer qu’un, c’est typiquement le cas du Coca-Cola.

Certains produits vont être conçus et fabriqués pour certaines catégories de consommateurs, afin de créer un besoin nouveau et d’en dynamiser la vente, comme on l’a vu depuis quelques années avec l’explosion de l’électronique.

Les grandes et moyennes surfaces, qui représentent autour de 70% des ventes alimentaires au niveau des pays industrialisés (avec une proportion très supérieure en zones urbaines), sont généralement frileuses, et n’aiment pas vraiment la nouveauté. C’est ainsi qu’il est très difficile d’y trouver un nouveau produit frais, qui risquerait de se perdre s’il n’est pas acheté dans un délai bref.

Cherchez bien dans votre mémoire : depuis quand n’avez-vous pas trouvé un vrai nouveau produit frais au supermarché? 
Pourtant, les possibilités sont énormes en agriculture. Et, à moins que ce soit un groupe économique important, ou la structure d’exportation d’un pays qui s’en charge, cela ne se produit presque jamais. Vous avez ainsi pu découvrir le kiwi il y a environ 35 ans (lancé par le Board de Nouvelle-Zélande, c’est-à-dire par un organisme national de contrôle des exportations, qui contrôle les marques Zespri pour le kiwi et Enza pour la pomme), quelques nouvelles variétés de pommes depuis 30 ans (Pink Lady ou Marlène par exemple, lancées par des groupes importants de producteurs de fruits), et surtout un certain retour des légumes anciens qui, comme on leur nom l’indique, ne sont pas précisément des nouveautés.

Quel est le problème du supermarché?
Il a travaillé depuis de nombreuses années à « déshumaniser » la vente des produits, pour pouvoir réduire les coûts de mise en vente. Il n’y a donc en général plus de personnel qualifié ou disponible pour vous informer et vous conseiller utilement dans le choix des produits, ni surtout à vous faire goûter les produits pour vous les faire découvrir. Les seuls cas de développement de produits nouveaux sont réalisés sous l’impulsion et le financement de groupes puissants qui se chargent de faire des opérations de dégustation de leurs produits.

Quel est le problème du produit frais ?
Il est périssable. Ce n’est pas le cas d’un produit industriel qui, s’il n’est pas vendu, pourra soit être vendu lors des soldes, plusieurs mois après sa mise en marché, soit simplement être rendu à son fabricant.
Cela explique pourquoi il est si important pour le supermarché de ne pas se tromper sur les choix. Cela explique aussi les sommes importantes qu’ils consacrent aux études de consommation pour cibler correctement leurs marchés potentiels. Et ça explique enfin pourquoi les nouveautés en produits frais ne sont pas, dans un premier temps, les bienvenues. En cas de difficultés à les vendre, elles risquent de finir tout simplement à la poubelle, avec les pertes que cela représente.

Quand j’ai eu l’idée de cette publication, je pensais en particulier aux méthodes de production agricole. Car le consommateur connait en général seulement le bio, et le non bio. Il n’y a guère de place pour les nuances. Elles existent pourtant, elles sont très utilisées, et elles sont intéressantes. Mais elles représentent une autre difficulté pour le supermarché. En effet il lui est difficile de proposer un même produit provenant de différents modes de culture.

Vous trouvez déjà des pommes bio et des pommes non bio. Mais imaginez par exemple un supermarché qui souhaite présenter une gamme de modes de production. Il devrait présenter au moins quatre gammes différentes de pommes, de poires, d’oranges, de bananes, de carottes, de salades, de tomates, etc. Il devrait présenter au minimum une production conventionnelle, une production biologique, une production biodynamique et une production intégrée.
Vous voyez le problème ? Quatre rayons séparés et identifiés, quatre gestions de stocks, pour chacun des produits. Inimaginable.

Le metteur en marché, quel qu’il soit, a besoin de pouvoir transmettre des informations simples, compréhensibles par tous, facilement et sans devoir donner de longues explications. On en est donc arrivé à une simplification extrême des messages : il y a le bio, sans produits chimiques, et le non bio. C’est tellement simplifié que c’est devenu un grand mensonge par omission, et par interprétation. Car si on dit sans produits chimiques, on interprète sans traitement, et le non bio est interprété comme pollué et dangereux, car supposé plein de résidus chimiques.
Mais vous, consommateurs, avez-vous une idée précise de ce que sont ces modes de production, que vous achetez pourtant quotidiennement, souvent sans vous en rendre compte?
C’est ce que je me propose de vous présenter en une série de trois ou quatre publications sous le titre générique, ô combien original de « Méthodes de production ».

Je ne sais pas encore si elles seront consécutives ou pas. Tout dépendra des circonstances, et de la préparation que me demandera chaque chapitre.

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