lundi 31 octobre 2016

91- Agriculture urbaine -1- La ville à la campagne

AGRICULTURE URBAINE -1- LA VILLE À LA CAMPAGNE…

Cet été, durant mes vacances, j'ai passé quelques jours très agréables chez ma mère, à Bordeaux. Au cours d'une de nos balades, en voiture, j'ai été frappé par un petit fait, insignifiant à première vue, que les bordelais connaissent bien, sans pour autant y prêter attention, ou en tous cas sans en voir toutes les répercussions.
Je ne vais nommer personne, puisque mon but est juste de réfléchir et de vous faire réfléchir avec moi, sur un problème réel.

Le Château XX, l'un des plus célèbres Châteaux du bordelais, est entièrement enserré dans la ville. Avec le temps, la croissance urbaine et la croissance industrielle faisant leur œuvre de conquête de nouveaux territoires, ce très fameux château, avec l’intégralité de son vignoble, s'est retrouvé entièrement en ville, entouré de logements et de zones industrielles, entouré et même entrecoupé par des routes, avec leur cortège de feux, de ronds-points, et de bouchons.

Image: http://www.lafdv.fr/images/20151022/3676_9195.jpg

C'est justement à l'un de ces feux que mon regard a été attiré par une petite chose, tout à fait anodine, et très normale dans une vigne au mois de septembre: les très jolies grappes de raisin noir.
Et qu'avaient-elles donc, ces grappes, qui ont depuis dû être vendangées, pour ainsi attirer mon attention?
Elles étaient à peine à quelques mètres de la route, de mon pot d'échappement, et de tous les pots d'échappements de toutes les voitures, camions et autobus qui passent quotidiennement par cette route.

Et je me suis posé la question suivante: les vins de Château XX, véritables icônes de la production de grands vins du bordelais, sont-ils parfois analysés pour en connaitre la teneur en polluants urbains?
Je pense en particulier aux résidus d'hydrocarbures, aux oxydes d'azote, aux composés fluorés, et surtout aux métaux lourds, plomb, zinc, cadmium ou nickel, dont il est connu que les risques sont très loin d'être anodins.

Je m'en fus donc à la plus grande librairie de la ville, connue pour l'immense diversité des ouvrages disponibles. Dans la ville de Bordeaux, dans l'une des plus importantes librairies de France, les ouvrages sur les vins de Bordeaux sont innombrables. Je cherchai donc quelque chose sur cette question. Mais rien. Rien de rien, même pas une simple évocation d'un problème potentiel. Evidemment, on ne remet pas en question la qualité des vins de Château XX, ni des grands crus bordelais.

Je décidai ensuite de chercher sur Internet ce que je pourrais trouver sur ce sujet. Rien non plus. On y trouve bien quelques documents faisant état de production de pollution par les caves viticoles, mais rien sur le sujet qui me préoccupe.
Soudain, j'eus l'idée de chercher s'il existe quelque chose concernant les risques de pollution dans les potagers urbains. Bingo! Il existe diverses publications, et diverses études concernant le sujet, réalisées par des universités aux Etats-Unis, en Ukraine et en Allemagne en particulier, et qui font état de risques, tant de pollution des sols (mais qui n'affecte en principe pas les fruits), que de pollution de l'air, donc des fruits, par dépôt atmosphérique.

Et là, on peut se poser la question.

Image: https://theurbanprospector.files.wordpress.com/2015/03/chicagofarm-thegreenhorns-wordpress.jpg

En effet, les raisins ne sont pas lavés et brossés un par un après la vendange, et les dépôts atmosphériques arrivent donc probablement jusqu'à la barrique. Les molécules comme les oxydes d'azote se décomposent sans doute lors du processus de vinification. Mais les métaux, eux, non.

Est-ce un problème? Peut-être pas, il est possible que les métaux présents le soient dans des niveaux suffisamment bas pour qu'il n'y ait pas de risque sanitaire.
Pourtant, selon les liens ci-dessus, les végétaux placés à moins de 10 mètres de voies à forte circulation ont un risque élevé de dépasser les normes européennes.
Cependant l’article précise aussi que les barrières végétales sont parmi les moyens les plus efficaces pour réduire cet effet polluant. On peut donc raisonnablement supposer que la plus grosse partie de la vendange se situe dans des niveaux de polluants très faibles. Or, dans le cas du vin, le grain de raisin n’est pas consommé seul, mais mélangé avec des millions d’autres. Il est donc fort probable que les niveaux atteints dans le vin soient faibles.
Mais visiblement pas grand monde ne s'est préoccupé de le vérifier, ou en tout cas, de le rendre public.
Il est probable que ça ne présente pas de problème de santé publique. C’est d’autant plus vrai dans ce cas, puisque ce château pratique des prix qui ne placent pas ce risque éventuel au rang de risque pour le grand public (j’ai vu justement la semaine dernière, ici à Séville, dans la boutique gourmet d’un grand magasin, une bouteille de Château XX à la vente à plus de 450€…).

Or cette situation, involontaire de la part de Château XX, qui a seulement vu la ville se rapprocher au fil du temps, sans y intervenir, est fréquente en agriculture. Plus la ferme est proche de la ville, plus elle y est sensible. C’est aussi le cas de toutes les « ceintures vertes » qui entourent les villes, et dont les agriculteurs locaux profitent souvent de la manne économique que représente la possibilité de vente directe des produits de la ferme. Beaucoup ont d’ailleurs converti leurs production au bio afin d’attirer un public toujours plus nombreux et avide de ces produits « authentiques ».

Cependant cette évolution, semble-t-il inévitable de progression des villes vers la campagne ne doit pas nous faire oublier les conséquences négatives de cette conquête : réduction des terres agricoles, disparition d’agriculteurs, pollution des zones rurales, obligation d’augmenter la productivité pour maintenir la capacité alimentaire.

Image: http://menehayfarm.co.uk/wp-content/uploads/2016/01/website-intro.jpg

Les médias, avides de sujets sensibles, présentent trop souvent l’agriculteur comme le principal responsable de la (supposée mauvaise) qualité des produits alimentaires (de plus en plus remise en question par des ONG aux objectifs opaques). Mais doit-on éluder la responsabilité croissante de l’urbanisation galopante ?
L’agriculteur est-il responsable de la pollution provoquée par la croissance urbaine ? On n’en parle pas, de cette pollution et de ses conséquences sur l’alimentation, alors qu’elle est, à mon avis, plus préoccupante que l’utilisation des pesticides.
La réalité sur les pesticides est maquillée pour pouvoir les accuser, ainsi que leurs fabricants et leurs utilisateurs. C’est à la mode, on se méfie de tout. Donc fournissons de la méfiance à qui en veut ! C’est très vendeur…
La réalité sur la pollution est dissimulée, car il n’y a personne à accuser, il n’y a pas de bouc émissaire possible. Dans ce cas, les accusateurs (les producteurs de l’émission et les téléspectateurs eux-mêmes) se retrouveraient directement sur le banc des accusés. C’est peu vendeur…

…ET LA CAMPAGNE À LA VILLE.

Mais pour aller plus loin dans cette réflexion, l'agriculture urbaine est en pleine vogue, en particulier dans les milieux écologistes.
Les projets de potagers et de vergers sur les toits, dans les jardins, dans les cours d'immeubles ou sur les balcons sont légion. On peut ainsi y produire sans pesticide, uniquement par des techniques bio, des fruits et légumes dont au moins, on est sûr qu'ils sont sains.
Est-ce bien certain?
La pollution urbaine est-elle meilleure pour la santé que les résidus de pesticides de synthèse?

La végétalisation des toits, des façades et des constructions est une excellente chose pour la biodiversité, pour la santé des abeilles et des oiseaux, ainsi que pour la qualité de l’air de grandes villes, ça ne présente aucun doute. Mais de là à en faire une ressource alimentaire supposée saine, il y a un pas que personnellement je ne franchirai pas…

Image: http://deavita.fr/wp-content/uploads/2016/02/jardin-sur-le-toit-pleine-ville-ultra-moderne.jpg

Au moins, avec les résidus de pesticides, il existe des références sérieuses et nombreuses, qu'on peut toujours discuter, mais qui existent. Des études très longues et complètes sont réalisées pour déterminer l'action sur la santé et l’environnement de toutes les molécules autorisées. Les équipes chargées d’évaluer les molécules sont constituées de scientifiques, de médecins et d’agronomes très compétents et contrôlés. On peut avoir confiance dans leurs conclusions, quoi qu’en pensent certains.
Pourtant, certains n’hésitent pas à affirmer que l’origine des polluants pourrait se situer dans les pesticides (par exemple les fervents de la permaculture http://www.permaculteurs.com/article/risques-de-pollution-au-potager/ ).
Quelqu’un connait-il un pesticide contenant du plomb, du cadmium ou du nickel ? Il n’y en a aucun. C’est tellement facile d’accuser les pesticides de tout, et aussi du reste…

Pour les polluants industriels et urbains, il existe peu de références, et les normes ne concernent que les métaux lourds. Pourtant, certains végétaux, en particuliers les aliments-feuille comme salades, épinards, choux, et autres plantes aromatiques à feuille sont particulièrement exposés à tous les contaminants, ayant une grande surface de captation, qui en plus se consomme. C'est aussi le cas pour un aliment comme le poivron, aliment qui pèse peu mais a un rapport poids/surface très défavorable.

Alors, mes chers jardiniers urbains, convaincus que vos fruits et légumes sont plus sains que ceux que vous achetez au supermarché, sachez donc que ingurgitez probablement un grand nombre de polluants, pour lesquels vous êtes vous-mêmes les souris de laboratoire…


Image: http://static.betazeta.com/www.veoverde.com/wp-content/uploads/2012/01/apodemus-660x350.jpg

3 commentaires:

  1. Merci Christophe pour cet article bien intéressant et interpellant.

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  2. Un article original, percutant et un peu iconoclaste: j'aime

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    1. Merci, c'est flatteur. L'agriculture n'est pas un cloaque, ce n'est pas non plus un jardin parfumé. La vérité a parfois des couleurs surprenantes.

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