Encore une fois, je
retarde une publication pour en faire une autre, à chaud.
Le vrai titre devrait
être : l’opinion publique européenne intoxiquée par le débat biaisé sur
les pesticides? C’est tout de même moins accrocheur, non ?
Sous le titre
« le trafic des pesticides interdits est en plein boom », le site
environnementaliste Reporterre entretient une fausse polémique, elle-même
reprise par différents sites et revues écologistes et altermondialistes.
De quoi
s’agit-il ? De la détection périodique de résidus non autorisés sur
certains fruits et légumes. Quoi qu’en dise la publication, ces détections se
maintiennent à un niveau stable d’environ 2% des échantillons analysés.
Sur le site Forum
Phyto (le link est aussi sur mon blog), vous trouverez la liste des
explications de la situation.
http://www.forumphyto.fr/2014/03/20/le-trafic-des-pesticides-interdits-est-en-plein-boom-reporterre/
Je ne vais pas
m’étendre sur la question, elle ne présente pas beaucoup d’intérêt,
sincèrement. Je vais juste ajouter ceci : encore une fois, le consommateur
est pris en otage par des intérêts idéologiques qu’on ne lui explique que
rarement, ou à travers des publications biaisées, dans lesquelles on ne lui dit
qu’une partie de la vérité, mais juste la partie qui fait peur. Et la peur est
un moyen d’action et de mobilisation extrêmement puissant. Elle permet une
complète manipulation de l’opinion en ne laissant transparaître que le côté
noir des choses.
Ce que je veux écrire,
aujourd’hui, c’est un mot sur les dysfonctionnements européens, qui nous
conduisent à des situations ingérables. Je vous précise que je suis pro-européen,
et même fédéraliste, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Ça ne m’empêche pas
d’avoir un regard critique.
Revenons sur le sujet
qui nous intéresse, les pesticides.
Il existe un règlement
européen, le 1107/2009, qui affirme le principe d’harmonisation de la
règlementation phytosanitaire européenne. Mais les états membres restent
maitres chez eux, en ce qui concerne les règlementations nationales, dans le
cadre dudit règlement.
Quelles en sont les
conséquences? Elles sont nombreuses et perverses.
- Chaque état membre est libre d’autoriser les molécules sur les cultures
qu’il veut dans le délai qu’il préfère, avec des doses et des délais
d’utilisation qu’il considère opportuns.
- Le fabricant, qui doit payer les dossiers d’homologation, par pays, va
choisir les cultures localement les plus représentées pour les faire
homologuer, laissant de côté les cultures secondaires.
- Les agriculteurs peuvent ensuite demander l’homologation de ces molécules
pour les usages secondaires, appelés « orphelins » en français. Ce
sont les cultures que les fabricants et les administrations n’ont pas inclus au
départ dans les homologations. Mais ce point est très complexe, et très
variable d’un pays à l’autre.
- Le principe de réciprocité permet en théorie de simplifier les procédures
d’homologation. Par exemple, l’Allemagne autorise une nouvelle substance sur le
pommier. Le Portugal peut demander à l’Allemagne toute l’information déjà
existante, de manière à faciliter le processus d’homologation de la même
substance, sur la même culture, sur son territoire. Mais cela fonctionne très
mal, et les ministères nationaux n’aiment pas réduire leur propre charge de
travail.
- Tout produit phytosanitaire non autorisé sur une culture déterminée, est
interdit à l’usage, sur cette culture. Une non-autorisation équivaut à une
interdiction. C’est vrai pour tous les produits, même autorisés sur d’autres
cultures proches. Par exemple, un produit autorisé sur pommier, ne l’est pas
forcément sur poirier. De même, un produit peut être autorisé sur oranger, mais
par sur citronnier, ni sur mandarinier.
C’est ainsi qu’un
producteur de fraise en France, ne va pas disposer des mêmes produits autorisés
qu’un producteur de fraise en Espagne, ou qu’un produit, homologué sur abricot
en France, va être autorisé sur tomate en Italie, mais pas en Hollande. Le
résultat en est une règlementation chaotique, là où tout aurait dû être
simplifié.
Mais l’agriculteur
continue de produire et doit résoudre les problèmes qui se présentent à lui.
Des productions de
base, comme le blé, la pomme de terre, la vigne, la pomme ou le maïs, n’ont pas
de problème. Ce sont des cultures présentes en grande quantité dans tous les
pays européens. De même, les agrumes ou l’olivier, n’ont pas de problème en
Espagne.
Par contre, les agrumes
en France, ou le panais, le safran, la myrtille, le quinoa, la stevia, le
sarrasin, et tous les anciens fruits, légumes et céréales, tant à la mode
depuis quelques années sont classés « usages orphelins » et n’ont
pratiquement aucune autorisation.
Une très large
majorité des cas détectés de résidus non autorisés proviennent de ce fait. Il
ne s’agit pas de substances non autorisées en Europe, mais d’utilisations non
autorisées sur la culture, dans le pays européen de production, de substances
autorisées en Europe.
Comme vous le voyez,
ça n’a rien à voir, car chaque produit autorisé en Europe est passé par le
processus de contrôles et d’essais sur la santé et l’environnement, qui est le
plus sévère au monde.
Le problème légal n’a
rien à voir avec ça, et personne ne cherche à empoisonner le consommateur. Par
contre beaucoup de gens cherchent à empoisonner le débat politico-social,
surtout maintenant, à la veille des élections européennes. Et ça marche très
bien, avec les sujets qui font peur.
La Communauté
Européenne ferait bien de se poser les bonnes questions sur le fonctionnement
de ses administrations, et devrait faire en sorte que les citoyens soient
correctement informés. D’autre part, elle devrait agir rapidement pour que les
règlements, prévus pour simplifier la vie des européens, ne la leur complique
pas à cause des lourdeurs et complexités administratives nationales.
Ça éviterait probablement que le débat soit
pollué, voire empoisonné par ce genre d’âneries.
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