dimanche 4 janvier 2015

16- Méthodes de production -2- Agriculture biologique


L’agriculture biologique est un mouvement né dans les années 30, dans les pays industrialisés, par opposition avec l’évolution de l’agriculture vers un mode productiviste considéré comme excessif, et contraire au concept de Nature, mère nourricière.
L’origine du mouvement est très philosophique, avec des idéologistes comme Steiner, Fukuoka, Howard ou Müller.
Le mouvement a évolué au cours des années vers un rejet de la chimie de synthèse et la volonté de produire des aliments de meilleure qualité.
On peut douter de la valeur des noms choisis (biologique en français, organic en anglais ou ecológica en espagnol), car ce sont des pléonasmes, dans la mesure où l’agriculture est par définition, et quel que soit le mode de production, une activité basée sur la culture et l’utilisation d`êtres vivants, animaux ou plantes, dans un environnement campagnard. Ces noms ont simplement été choisis par opposition au mot chimique.

Dans son acceptation actuelle, l’agriculture biologique a perdu une grande partie de ses connotations philosophiques, mais reste un mouvement basé sur le refus de l’emploi de la chimie en agriculture et sur les aliments.
Parmi les penseurs récents de l’agriculture biologique, certains ont largement dérivé vers une conception réactionnaire, voire antiscientifique (Teddy Goldsmith par exemple), avec l’utilisation de thèmes comme le retour à la terre, la décadence de la société, ou la fin de la civilisation, comme justification à la volonté d’abandonner toutes les techniques modernes, quelles qu’elles soient.

Aujourd’hui, un agriculteur qui veut faire de l’agriculture biologique, et la commercialiser comme telle (c’est à dire sous l’un des labels de l’agriculture biologique), doit respecter des cahiers des charges et se faire certifier. Les certifications ont une valeur annuelle, et sont renouvelées après un audit spécifique.
Chaque action accomplie sur la ferme est prise en compte. Les non conformités doivent être corrigées dans un court délai, sauf certaines, considérées comme inacceptables, qui peuvent faire perdre l’accréditation.
L’étiquetage distinctif est payant, comme pour l’usage de la plupart des marques, qu’il s’agisse d’agriculture ou pas, de bio, ou pas. C’est par exemple, aussi le cas de la production intégrée, dont je vous parlerai prochainement.
Il faut comprendre qu’un aliment non étiqueté est considéré, par défaut, issu de l’agriculture conventionnelle. Ce que prétend l’étiquetage, est de marquer la différence.
Celui qui ne veut pas payer la marque, devra se contenter des prix des aliments conventionnels. Les produits bio étiquetés sont vendus plus cher, et la différence de prix couvre largement le prix de l’étiquette.

Le concept d’agriculture biologique est difficile à concilier avec des exploitations agricoles de grande taille. En effet, il incorpore une importante notion sociale et de structuration rurale.
Dans les pays industrialisés, où le mouvement a reçu le meilleur accueil, beaucoup d’agriculteurs biologiques sont des néo-ruraux et des écologistes, installés sur des fermes de petite taille, après avoir opéré un retour à la terre.
Pourtant, les exploitations agricoles de grande taille représentent la plus grande partie de la production mondiale certifiée. L’agriculture biologique, dont la consommation des produits est fortement concentrée dans les pays industrialisés, est devenue peu à peu un marché potentiel très intéressant, vers lequel se sont orientées de grandes entreprises agricoles à la recherche de marchés économiquement porteurs et de marges commerciales confortables.
On peut aussi signaler que les consommateurs de produits bio sont avant tout des citadins, des classes moyennes ou supérieures, plutôt aisés. C’est encore, tant au niveau de la production que de la consommation, un mouvement d’intellectuels.

Techniquement parlant, l’agriculture biologique est peu différente de l’agriculture conventionnelle. Les méthodes culturales sont assez similaires, et les objectifs productifs sont globalement productivistes. C’est à dire que le producteur biologique cherche à maximiser la production dans le respect des obligations fixées par les cahiers de charges.
Il ne faut pas se leurrer, quel que soit le mode de production, un agriculteur aura toujours un meilleur revenu s’il produit beaucoup que s’il produit peu. Une fois fixée la qualité qu’il voudra proposer à ses clients, il cherchera logiquement à produire le plus possible dans le respect de son objectif. Et le prix payé à l’agriculteur n’a rien à voir avec le prix payé par le consommateur. Nous en reparlerons. Le producteur est condamné à produire beaucoup, même en agriculture biologique, pour vivre correctement de son activité.

On peut schématiser les principes utilisés en quelques grandes lignes. Toutes les techniques mises en œuvre visent à favoriser les points suivants:
-       Réduire l’érosion des sols et les risques de perte de fertilité.
-       L’entretien des sols est basé sur les moyens mécaniques.
-       Controler la consommation d’eau.
-       Favoriser la biodiversité dans la ferme.
-       Favoriser la vie microbienne du sol par restitution des restes des cultures précédentes, nourrir le sol pour nourrir la plante
-       Fertilisation à base de matières d’origine naturelle, comme les fumiers, composts, purins, poudres d’os, ou fertilisant d’origine minière sans transformation industrielle.
-       Réduire l’impact des maladies et ravageurs sur les cultures.
-       Protection phytosanitaire à base de méthodes non chimiques et d’utilisation de produits d’origine naturelle.
Il faut signaler que ces techniques ne sont pas une exclusivité de l’agriculture biologique, comme nous le verrons plus tard.

Il existe une règlementation européenne (règlements nº 834/2007, 889/2008 et 540/2011) qui fixe un cadre commun européen, mais chaque état membre est ensuite libre de l’appliquer à sa manière. Cette règlementation a pour but de fixer un minimum commun, mais il est toujours possible de durcir les règles au niveau national, pas de les alléger. Chaque pays non européen a sa propre interprétation légale de l’agriculture biologique, ce qui peut donner lieu à des différences parfois importantes dans l’application réelle du concept par l’agriculteur, et dans la qualité finale de l’aliment bio.

Un des sujets les plus sensibles est le contrôle des problèmes phytosanitaires. Sur ce point, qui est finalement le plus critique par rapport à l’opinion publique, je tiens à faire plusieurs remarques.
Premier point important : il existe de nombreux pesticides autorisés en agriculture biologique, car les cultures sont sujettes aux dégâts phytosanitaires dans toutes les méthodes culturales.
Il faut ajouter que l’élevage et les lâchers d’insectes auxiliaires (coccinelles, syrphes, hyménoptères prédateurs, punaises prédatrices, acariens prédateurs, etc.), représentent des techniques de contrôle efficaces, bien que souvent difficiles à maitriser.
Les substances pesticides autorisées en agriculture biologique sont classées en sept catégories (selon l’annexe II du règlement européen nº 889/2008):
-       Les matières actives d’origine animale ou végétale (huiles végétales, pyréthrines naturelles, roténone, gélatines, etc.)
-       Les microorganismes utilisés dans la lutte biologique contre les ravageurs et les maladies (bactéries, virus, champignons, nématodes)
-       Les substances produites par des microorganismes (cas du spinosad, toxine produite par une bactérie du sol)
-       Les substances de synthèse à utiliser dans des pièges et/ou les distributeurs (comme les phéromones, ou les pastilles insecticides à base de pyréthrinoïdes de synthèse).
-       Les préparations à disperser en surface entre les plantes cultivées (comme les appâts pour limaces et escargots)
-       Les autres substances traditionnellement utilisées dans l’agriculture biologique (comme le cuivre, le soufre, l’huile de paraffine et les huiles minérales, généralement  issus de l’industrie minière ou de la pétrochimie)
-       Les autres substances comme l’hydroxyde de calcium et le bicarbonate de potassium.
Comme vous pouvez le constater, certaines substances sont issues de la chimie de synthèse, de la pétrochimie ou de l’industrie minière, trois activités largement critiquées par les mouvements écologistes et l’agriculture biologique, pour les risques de pollution qu’ils représentent.

Deuxième point important: les substances utilisées en agriculture biologique ne sont pas anodines. Ce qui est naturel n’est pas forcément bon pour la santé, ni pour l’environnement. On peut ainsi citer:
-       Le pyrêthre naturel, insecticide polyvalent extrait de plantes, toxique pour la faune auxiliaire et très toxique pour la faune aquatique.
-       La nicotine, insecticide naturel extrait du tabac, largement connu pour sa dangerosité pour la santé humaine et l’environnement, non autorisée en Europe, mais largement utilisée dans beaucoup de pays non européens.
-       La roténone et l’huile de neem, autres insecticides naturels, également connus pour leur dangerosité sur la santé et l’environnement.
-       Le cuivre, fongicide de très large utilisation, métal toxique, fortement polluant pour les sols et les eaux et non dégradable, issu de la production minière ou du recyclage, et parfois porteur de petites quantités d’autres métaux lourds plus dangereux, comme le mercure ou le plomb.

Troisième point important: la persistance des produits utilisés est généralement beaucoup plus faible que celles des produits de synthèse (sauf le cuivre). La principale conséquence de ce point est que, pour obtenir le même niveau de protection de ses cultures, un agriculteur bio est obligé de traiter entre 2 et 3 fois plus, selon les problèmes à résoudre, qu’un agriculteur conventionnel. Il existe donc des risques environnementaux plus importants, et des risques de résidus dans les aliments, généralement non mesurés.

Quatrième point important, la législation. Je vous en ai déjà donné un aperçu dans des publications précédentes. Il existe un problème législatif concernant les résidus potentiels de pesticides sur les aliments biologiques. En effet, sauf dans quelques cas concrets, la composition des produits est mal connue, car les extraits végétaux sont souvent très complexes.
Par exemple, l’huile de neem contient un ingrédient principal, l’azadirachtine, dont les effets et les résidus sont bien connus. Mais elle contient aussi plus de 100 autres principes actifs beaucoup moins bien connus, qui ne sont jamais analysés, et dont les effets sur la santé et l’environnement sont inconnus.
Le fabricant peut aussi ne pas déclarer la composition complète, car la législation en vigueur ne le rend pas obligatoire, et la totalité leurs composants actifs ne peuvent donc pas être analysés ni quantifiés.
Concrètement, personne actuellement, ne peut garantir qu’un aliment bio contient, ou non des résidus dangereux pour la santé et en quelle quantité. Or, comme je vous l’ai dit dans le point antérieur, le risque lié aux résidus de pesticides bio est important, dû au très grand nombre de traitements nécessaires.
Les aliments bio, comme les aliments conventionnels, subissent des contrôles de résidus de pesticides par échantillonnage, tant au niveau des douanes et des services sanitaires, que des supermarchés. Mais on ne cherche que les pesticides de synthèse, jamais les pesticides naturels. Cela permet de détecter des fraudes au respect des protocoles bio, mais pas les abus des pesticides bio, ni les résidus de produits naturels potentiellement à risques.

Un des problèmes techniques que rencontre l’agriculture biologique dans la gestion des problèmes phytosanitaires, est que les lâchers d’auxiliaires, technique potentiellement efficace, présentent des résultats très aléatoires. En effet, dans de nombreux cas, s’ils ne trouvent pas suffisamment d’aliments dans les zones de lâchers, les auxiliaires disparaissent. Ils s’en vont simplement à la recherche de nourriture, hors des cultures à protéger.
Leur efficacité à court terme est bonne, puisque l’agriculteur va réaliser les lâchers en cas de présence de problèmes, mais à moyen et long terme, c’est beaucoup moins évident. Et leur coût est élevé.
Pourtant, il existe des conditions dans lesquelles ces techniques fonctionnent très bien, mais elles sont incompatibles avec la philosophie de l’agriculture biologique (bien qu’elles soient autorisées). Je veux parler des serres. En effet, grâce aux serres, on crée un environnement artificiellement confiné, qui permet, par l’effet de barrière physique, à la fois une limitation des attaques d’insectes et un contrôle des populations d’auxiliaires. Il faut cependant préciser que l’absence de pluie, de vent, l’hygrométrie élevée et l’absence de biodiversité provoquent l’aggravation d’autres problèmes.
Il existe des producteurs biologiques sous serres dans de nombreux pays. Cependant la question de l’utilisation et de la gestion des plastiques n’est que partiellement résolue.
D’autre part, il se pose un problème philosophique dans la création d’un environnement artificiel, accompagné du forçage des cultures, avec toutes les contraintes énergétiques et phytosanitaires que cela représente, ainsi que l’obligation du recours à l’industrie pétrochimique pour la fourniture des grandes quantités de plastique nécessaires.

Un autre point particulier est la fertilisation. Sont privilégiés les engrais d’origine naturelle, issus de fumiers, de composts, ou de sous-produits de l’industrie agro-alimentaire, comme les poudres d’os. Il existe de nombreuses sources de fertilisants d’origine naturelle.
Mais on y retrouve une constante, ce sont des engrais non solubles, non assimilables par les plantes sans passer par un processus de minéralisation, qui en transforme les composants en éléments assimilables. Cette caractéristique combine deux conséquences antagonistes :
-       l’avantage de permettre un enrichissement des sols en matière organique, donc à plus longue échéance en humus, facteur important de fertilité à long terme, et de maintien des caractéristiques agronomiques au fil des années.
-       l’inconvénient de ne pas pouvoir maitriser à quel moment la minéralisation aura lieu. Elle dépend en particulier de la température et de l’humidité du sol, et de son activité microbienne. Il est fréquent d’observer des déséquilibres nutritionnels à cause du déphasage entre les besoins de la plante et la mise à disposition des éléments nutritifs par le sol. D’autre part, les éléments libérés en abondance durant l’été (les sols sont plus chauds donc plus actifs), et non consommés par les plantes, peuvent être lessivés par les pluies d’automne et entrainés vers les nappes souterraines.

Les techniques culturales utilisées en agriculture biologique visent à maintenir une biodiversité dans la ferme, et un équilibre cultural. De cette manière, on limite le risque de développement de certains parasites dont les cycles sont accélérés par les déséquilibres nutritionnels et l’absence de faune auxiliaire et d’insectes utiles.
C’est le cas, par exemple, des pucerons, acariens ou cicadelles, souvent contrôlés par les insectes auxiliaires (coccinelles, araignées, chrysopes, syrphes, acariens phytoséides, etc.), des lépidoptères et diptères, base de l’alimentation de nombreux oiseaux ou des chauves-souris, des rongeurs petits ou grands comme les campagnols ou les lapins, contrôlés par les rapaces, les serpents, les renards et autres animaux carnassiers.
Pour atteindre cet objectif, l’agriculteur va, entre autres :
-       réserver certaines zones de la ferme pour y créer des zones de biodiversité,
-       développer un enherbement contrôlé quand il le peut,
-       laisser se développer certains arbres ou arbustes pour servir de refuge,
-       installer des nichoirs pour les oiseaux et les chauves-souris, des perchoirs pour les rapaces, etc.


L’agriculture biologique est-elle performante?
Actuellement, on peut dire que non, si on compare ses résultats productifs avec ceux de l’agriculture conventionnelle. Une étude de l’INRA montre que la réduction de production est variable selon la culture et les conditions agro-climatiques. La réduction se situe entre 0 et 80%, le plus souvent dans des niveaux de 25 à 50%. Sans entrer dans le détail, il est actuellement évident que l’agriculture biologique réduit nettement les rendements productifs potentiels des cultures.
En ce qui concerne l’élevage, ces différences ne sont pas mesurables, car la croissance des animaux n’est pas influencée par l’origine des aliments. La méthode d’élevage aura plus d’influence que le type d’alimentations (animaux en liberté ou non).

Les produits de l’agriculture biologique sont-ils meilleurs ?
Aucune étude sérieuse et impartiale n’a pu, à ce jour, démontrer quoi que ce soit, ni sur les effets sur la santé, ni sur les effets sur le goût. La bonne réputation d’une méthode et la mauvaise réputation de l’autre tiennent de la légende urbaine, et sont soigneusement alimentées par les intérêts particuliers de quelques-uns.
On peut seulement constater que les tolérances commerciales sont très différentes, et permettent aux producteurs biologiques de cultiver des variétés plus savoureuses. Les agriculteurs conventionnels vont eux se heurter à la dictature de la normalisation et des metteurs en marché, qui ne leur permet pas de le faire. Elle les oblige, pour des motifs économiques, à cultiver des variétés à la présentation parfaite et à la conservation augmentée, souvent au détriment du goût.

Est-il facile de passer d’une agriculture conventionnelle à une agriculture biologique ?
En théorie, oui. L’agriculteur devra simplement adapter les techniques culturales pour qu’elles respectent les cahiers des charges. Il faut quand même préciser que, bien qu’il y ait peu de différence pratique entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique, l’agriculteur devra adopter un système de surveillance lui permettant d’intervenir (traiter) très tôt lors des apparitions de problèmes phytosanitaires, car il ne disposera que de produits à efficacité curative limitée.
Mais en réalité, cela dépend de deux facteurs principaux.

Il y a d’abord des critères d’ordre administratif. En effet, une ferme ne pourra recevoir une certification en agriculture biologique qu’après une phase de reconversion qui durera plusieurs années. Cette durée est variable selon les pays et les cultures, mais va généralement de 2 à 5 ans.
Cette période est destinée à permettre à l’agriculteur à devenir opérationnel sur les protocoles, et surtout à permettre à la ferme de retrouver un équilibre naturel supposé perdu, ou perturbé. D’autre part, elle doit aussi permettre aux sols et à l’environnement de finir de dégrader les résidus potentiels de pesticides et engrais chimique employés précédemment.
Durant cette période, l’agriculteur doit respecter les protocoles, mais n’en a aucun bénéfice économique puisqu’il n’a pas le droit d’utiliser les marques spécifiques.

Ensuite, il y a la culture.
Certaines cultures sont faciles à conduire en agriculture biologique. Ce sont en général des cultures rustiques, peu exigeantes, et peu sensibles aux problèmes phytosanitaires. On peut ainsi citer la vigne, l’olivier, les agrumes, certaines céréales, par exemple.
Mais au contraire, certaines cultures sont très difficiles, voire actuellement impossibles, comme c’est le cas du pêcher ou de la pomme de terre, dont certaines maladies sont presque impossibles à maitriser sans l’aide de produits chimiques.  Les effets de la maladie réduisent la production à un niveau tellement bas qu’aucun système commercial ne permet à l’agriculteur de s’en sortir.
Cependant, tout est une question de temps. Il est probable que dans un futur proche, ce qui est aujourd’hui impossible sera résolu par une voie ou une autre. C’est par exemple le cas du pommier, dont un des principaux freins au développement de la production biologique était une maladie, la tavelure. Les recherches entreprises au niveau génétique (il ne s’agit pas d’OGM, mais d’hybridation), ont permis la création de variétés commerciales résistantes à la tavelure, ouvrant la voir de la production du pommier en agriculture biologique. L’INRA, en France, a été l’un des principaux acteurs mondiaux de ces recherches.

L’agriculture biologique passe actuellement par une phase de stagnation, due principalement au nivellement par le bas des prix de vente des produits. La crise économique a réduit la consommation de produits plus chers, entrainant une baisse des ventes des produits de l’agriculture biologique. Les agriculteurs ont ainsi vu leur revenu baisser fortement malgré tous leurs efforts. Les agriculteurs déjà certifiés en agriculture biologique continuent en général, pour ne pas avoir à repasser par la phase de transition, mais les nouvelles conversions sont de plus en plus rares.

Je ne vais pas revenir ici sur les avantages ou inconvénients de l’agriculture biologique. J’y consacrerai une publication spécifique, car il me parait intéressant de pouvoir comparer les différents systèmes de culture.
Cependant, je veux insister sur deux points qui me paraissent fondamentaux par rapports aux évolutions actuelles de la production agricole.

Tout d’abord je tiens à faire un reproche, non pas à l’agriculture biologique, mais aux personnes chargées de communiquer, tant sur les produits agricoles que sur des produits qui bien souvent n’ont rien à voir avec l’agriculture.
On présente l’agriculture biologique comme un monde parfaitement sain et bon, sans aucune explication ni donnée réelle. Il y a de bonnes choses, sans aucun doute, mais il y a aussi de nombreux points négatifs qui sont presque systématiquement passés sous silence.
Ce matraquage médiatique, largement relayé par le monde politique, contribue, d’une part à donner une fausse idée positive de l’agriculture biologique, et d’autre part (et par voie de conséquence), à donner une image extrêmement négative, généralement injustifiée, de l’agriculture conventionnelle.


Comme illustration, voici cette image, qui m’est arrivée par Facebook, qui se veut informative sur les codes qui apparaissent sur les fruits. C’est bien, c’est utile, c’est méconnu par presque tout le monde. Mais pourquoi définir l’agriculture conventionnelle comme « contient des pesticides »? C’est une agression caractérisée ! Ça peut être vrai, ou pas. C’est légal, puisque les normes légales existent sur le sujet, et jusqu’à preuve du contraire, c’est sans danger pour la santé.
C’est une image parmi beaucoup d’autres, car, comme je vous l’expliquais récemment, le consommateur est une cible de communication, et le réflexe de peur est utilisé à outrance.
L’objectif recherché est clairement de faire acheter plus de produits bio. L’image transmise est forcément négative, comme c’est le cas ici, et en fin de compte, contribue involontairement à une baisse globale de consommation des fruits et légumes frais.
Car si on observe une stagnation de la consommation des produits bio, on observe aussi une diminution globale de la consommation, toutes méthodes de production confondues. Cela se traduit finalement par une augmentation des produits congelés, de 4ème gamme et en conserve, ainsi que des plats cuisinés.
Au bout du compte, c’est globalement négatif, et préjudiciable à la santé du consommateur.

Ensuite, et pour terminer sur une note positive, il faut reconnaitre un immense mérite à l’agriculture biologique et à son dynamisme : elle a obligé l’ensemble de la filière agricole, ainsi que les industries connexes et l’administration, à penser autrement.
Je pense que le plus gros changement se situe probablement au niveau de l’industrie chimique (tant volontairement que par les changements de normes auxquels elle doit faire face), qui a radicalement modifié sa manière de rechercher de nouvelles molécules, intégrant en priorité les effets secondaires, recherchant des procédés de fabrication différents (comme c’est le cas du spinosad, substance autorisée en agriculture biologique, qui est un produit fermenté issu de deux toxines sécrétées par une bactérie vivant dans le sol).
D’autre part, la plupart des grandes sociétés internationales de l’agrochimie ont fortement investi ces dernières années dans cette voie, en créant ou en rachetant des structures spécialisées dans la recherche en agriculture biologique. Cela démontre bien l’intérêt qu’elles portent à ce marché qui, à l’évidence, a de l’avenir.
C’est ainsi que les agriculteurs voient apparaitre chaque année une ou plusieurs substances nouvelles, toujours plus efficaces, issues de ces recherches, qui permettent de substituer des molécules plus anciennes et plus dangereuses.

Enfin, il faut ajouter que ce mouvement a aussi eu une influence importante sur la prise de conscience de beaucoup d’agriculteurs des répercutions de leur activité productive sur l’environnement, tant sur les aspects positifs, que sur les aspects négatifs et sur l’importance de ne pas faire n’importe quoi. On peut avoir un objectif productiviste sans tout détruire au passage.


L’agriculture biologique tient une place particulière dans l’agriculture mondiale. Elle est assez anecdotique en quantité, mais représente un moteur puissant de d’évolution et de développement des techniques agricoles.
Contrairement à ce que peut vous laisser penser cette publication je n’y suis pas opposé. Je considère en effet que le mouvement généré par le développement de l’agriculture biologique et sa grande acceptation dans la société des pays riches, ont permis des avancées techniques et technologiques énormes.
Mais je suis farouchement opposé à la manipulation de l’opinion publique qui est faite autour d’elle. On ment délibérément au public, autant sur les bienfaits supposés de l’agriculture biologique, comme sur les méfaits de l’agriculture conventionnelle. Chacune a ses avantages et ses inconvénients, scientifiquement démontrés, et aucune ne représente un avantage notable par rapport à l’autre, ni pour la santé, ni pour l’environnement, quoi qu’en disent certains.

L’agriculture biologique n’a pas besoin d’attaquer l’agriculture conventionnelle pour se développer. Elle porte en elle suffisamment d’aspects positifs pour son propre développement, sans devoir le faire en exagérant les aspects négatifs de sa concurrence.
Il ne faut pas prendre les consommateurs pour des imbéciles. Si on leur communique, de manière impartiale, les informations adéquates, il choisira librement, et tout le monde y trouvera son compte.

Et enfin l’administration a aussi une sérieuse responsabilité dans une situation qu’elle favorise par un a priori positif sur les aliments bio, mais sans les contrôles nécessaires, et un a priori négatif sur les aliments conventionnels, mais sans la communication adéquate sur la réalité.
Elle laisse ainsi planer un doute sur le risque sanitaire réel que présentent les aliments frais, extrêmement préjudiciable à l’ensemble des professions de l’alimentation, et au consommateur.

Le prochain chapitre de cette série concernera l’agriculture biodynamique.

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