L’agriculture biologique est un mouvement né dans les années 30, dans les pays industrialisés, par opposition avec l’évolution de l’agriculture vers un mode productiviste considéré comme excessif, et contraire au concept de Nature, mère nourricière.
L’origine du mouvement est très
philosophique, avec des idéologistes comme Steiner, Fukuoka, Howard ou Müller.
Le mouvement a évolué au cours des années
vers un rejet de la chimie de synthèse et la volonté de produire des aliments
de meilleure qualité.
On peut douter de la valeur des noms
choisis (biologique en français, organic en anglais ou ecológica en espagnol),
car ce sont des pléonasmes, dans la mesure où l’agriculture est par définition,
et quel que soit le mode de production, une activité basée sur la culture et
l’utilisation d`êtres vivants, animaux ou plantes, dans un environnement
campagnard. Ces noms ont simplement été choisis par opposition au mot chimique.
Dans son acceptation actuelle,
l’agriculture biologique a perdu une grande partie de ses connotations
philosophiques, mais reste un mouvement basé sur le refus de l’emploi de la
chimie en agriculture et sur les aliments.
Parmi les penseurs récents de l’agriculture
biologique, certains ont largement dérivé vers une conception réactionnaire,
voire antiscientifique (Teddy Goldsmith par exemple), avec l’utilisation de
thèmes comme le retour à la terre, la décadence de la société, ou la fin de la
civilisation, comme justification à la volonté d’abandonner toutes les
techniques modernes, quelles qu’elles soient.
Aujourd’hui, un agriculteur qui veut faire
de l’agriculture biologique, et la commercialiser comme telle (c’est à dire
sous l’un des labels de l’agriculture biologique), doit respecter des cahiers
des charges et se faire certifier. Les certifications ont une valeur annuelle,
et sont renouvelées après un audit spécifique.
Chaque action accomplie sur la ferme est
prise en compte. Les non conformités doivent être corrigées dans un court
délai, sauf certaines, considérées comme inacceptables, qui peuvent faire
perdre l’accréditation.
L’étiquetage distinctif est payant, comme
pour l’usage de la plupart des marques, qu’il s’agisse d’agriculture ou pas, de
bio, ou pas. C’est par exemple, aussi le cas de la production intégrée, dont je
vous parlerai prochainement.
Il faut comprendre qu’un aliment non
étiqueté est considéré, par défaut, issu de l’agriculture conventionnelle. Ce
que prétend l’étiquetage, est de marquer la différence.
Celui qui ne veut pas payer la marque,
devra se contenter des prix des aliments conventionnels. Les produits bio étiquetés
sont vendus plus cher, et la différence de prix couvre largement le prix de
l’étiquette.
Le concept d’agriculture biologique est
difficile à concilier avec des exploitations agricoles de grande taille. En
effet, il incorpore une importante notion sociale et de structuration rurale.
Dans les pays industrialisés, où le
mouvement a reçu le meilleur accueil, beaucoup d’agriculteurs biologiques sont
des néo-ruraux et des écologistes, installés sur des fermes de petite taille,
après avoir opéré un retour à la terre.
Pourtant, les exploitations agricoles de
grande taille représentent la plus grande partie de la production mondiale
certifiée. L’agriculture biologique, dont la consommation des produits est
fortement concentrée dans les pays industrialisés, est devenue peu à peu un
marché potentiel très intéressant, vers lequel se sont orientées de grandes
entreprises agricoles à la recherche de marchés économiquement porteurs et de
marges commerciales confortables.
On peut aussi signaler que les
consommateurs de produits bio sont avant tout des citadins, des classes
moyennes ou supérieures, plutôt aisés. C’est encore, tant au niveau de la
production que de la consommation, un mouvement d’intellectuels.
Techniquement parlant, l’agriculture
biologique est peu différente de l’agriculture conventionnelle. Les méthodes
culturales sont assez similaires, et les objectifs productifs sont globalement productivistes.
C’est à dire que le producteur biologique cherche à maximiser la production
dans le respect des obligations fixées par les cahiers de charges.
Il ne faut pas se leurrer, quel que soit le
mode de production, un agriculteur aura toujours un meilleur revenu s’il
produit beaucoup que s’il produit peu. Une fois fixée la qualité qu’il voudra
proposer à ses clients, il cherchera logiquement à produire le plus possible
dans le respect de son objectif. Et le prix payé à l’agriculteur n’a rien à
voir avec le prix payé par le consommateur. Nous en reparlerons. Le producteur
est condamné à produire beaucoup, même en agriculture biologique, pour vivre
correctement de son activité.
On peut schématiser les principes utilisés
en quelques grandes lignes. Toutes les techniques mises en œuvre visent à
favoriser les points suivants:
-
Réduire l’érosion des sols et les risques de perte de fertilité.
-
L’entretien des sols est basé sur les moyens mécaniques.
-
Controler la consommation d’eau.
- Favoriser la biodiversité dans la ferme.
- Favoriser la vie microbienne du sol par restitution des restes des cultures
précédentes, nourrir le sol pour nourrir la plante
- Fertilisation à base de matières d’origine naturelle, comme les fumiers,
composts, purins, poudres d’os, ou fertilisant d’origine minière sans
transformation industrielle.
- Réduire l’impact des maladies et ravageurs sur les cultures.
- Protection phytosanitaire à base de méthodes non chimiques et d’utilisation
de produits d’origine naturelle.
Il faut signaler que ces techniques ne sont
pas une exclusivité de l’agriculture biologique, comme nous le verrons plus
tard.
Il existe une règlementation européenne
(règlements nº 834/2007, 889/2008 et 540/2011) qui fixe un cadre commun
européen, mais chaque état membre est ensuite libre de l’appliquer à sa
manière. Cette règlementation a pour but de fixer un minimum commun, mais il
est toujours possible de durcir les règles au niveau national, pas de les
alléger. Chaque pays non européen a sa propre interprétation légale de
l’agriculture biologique, ce qui peut donner lieu à des différences parfois
importantes dans l’application réelle du concept par l’agriculteur, et dans la
qualité finale de l’aliment bio.
Un des sujets les plus sensibles est le
contrôle des problèmes phytosanitaires. Sur ce point, qui est finalement le
plus critique par rapport à l’opinion publique, je tiens à faire plusieurs
remarques.
Premier point important : il existe de nombreux pesticides autorisés en agriculture biologique, car
les cultures sont sujettes aux dégâts phytosanitaires dans toutes les méthodes
culturales.
Il faut ajouter que l’élevage et les
lâchers d’insectes auxiliaires (coccinelles, syrphes, hyménoptères prédateurs,
punaises prédatrices, acariens prédateurs, etc.), représentent des techniques
de contrôle efficaces, bien que souvent difficiles à maitriser.
Les substances pesticides autorisées en
agriculture biologique sont classées en sept catégories (selon l’annexe II
du règlement européen nº 889/2008):
- Les matières actives d’origine animale ou végétale (huiles végétales,
pyréthrines naturelles, roténone, gélatines, etc.)
- Les microorganismes utilisés dans la lutte biologique contre les ravageurs
et les maladies (bactéries, virus, champignons, nématodes)
- Les substances produites par des microorganismes (cas du spinosad, toxine
produite par une bactérie du sol)
- Les substances de synthèse à utiliser dans des pièges et/ou les
distributeurs (comme les phéromones, ou les pastilles insecticides à base de
pyréthrinoïdes de synthèse).
- Les préparations à disperser en surface entre les plantes cultivées (comme
les appâts pour limaces et escargots)
- Les autres substances traditionnellement utilisées dans l’agriculture
biologique (comme le cuivre, le soufre, l’huile de paraffine et les huiles
minérales, généralement issus de
l’industrie minière ou de la pétrochimie)
- Les autres substances comme l’hydroxyde de calcium et le bicarbonate de
potassium.
Comme vous pouvez le constater, certaines
substances sont issues de la chimie de synthèse, de la pétrochimie ou de
l’industrie minière, trois activités largement critiquées par les mouvements
écologistes et l’agriculture biologique, pour les risques de pollution qu’ils
représentent.
Deuxième point important: les substances utilisées en agriculture biologique ne sont pas anodines.
Ce qui est naturel n’est pas forcément bon pour la santé, ni pour
l’environnement. On peut ainsi citer:
- Le pyrêthre naturel, insecticide polyvalent extrait de plantes, toxique
pour la faune auxiliaire et très toxique pour la faune aquatique.
- La nicotine, insecticide naturel extrait du tabac, largement connu pour sa
dangerosité pour la santé humaine et l’environnement, non autorisée en Europe,
mais largement utilisée dans beaucoup de pays non européens.
- La roténone et l’huile de neem, autres insecticides naturels, également connus
pour leur dangerosité sur la santé et l’environnement.
- Le cuivre, fongicide de très large utilisation, métal toxique, fortement
polluant pour les sols et les eaux et non dégradable, issu de la production
minière ou du recyclage, et parfois porteur de petites quantités d’autres
métaux lourds plus dangereux, comme le mercure ou le plomb.
Troisième point important: la persistance des produits utilisés est généralement beaucoup plus faible
que celles des produits de synthèse (sauf le cuivre). La principale conséquence
de ce point est que, pour obtenir le même niveau de protection de ses cultures,
un agriculteur bio est obligé de traiter entre 2 et 3 fois plus, selon les
problèmes à résoudre, qu’un agriculteur conventionnel. Il existe donc des
risques environnementaux plus importants, et des risques de résidus dans les
aliments, généralement non mesurés.
Quatrième point important, la législation. Je vous en ai déjà donné un aperçu dans des publications
précédentes. Il existe un problème législatif concernant les résidus potentiels
de pesticides sur les aliments biologiques. En effet, sauf dans quelques cas
concrets, la composition des produits est mal connue, car les extraits végétaux
sont souvent très complexes.
Par exemple, l’huile de neem contient un
ingrédient principal, l’azadirachtine, dont les effets et les résidus sont bien
connus. Mais elle contient aussi plus de 100 autres principes actifs beaucoup
moins bien connus, qui ne sont jamais analysés, et dont les effets sur la santé
et l’environnement sont inconnus.
Le fabricant peut aussi ne pas déclarer la
composition complète, car la législation en vigueur ne le rend pas obligatoire,
et la totalité leurs composants actifs ne peuvent donc pas être analysés ni
quantifiés.
Concrètement, personne actuellement, ne
peut garantir qu’un aliment bio contient, ou non des résidus dangereux pour la
santé et en quelle quantité. Or, comme je vous l’ai dit dans le point
antérieur, le risque lié aux résidus de pesticides bio est important, dû au
très grand nombre de traitements nécessaires.
Les aliments bio, comme les aliments
conventionnels, subissent des contrôles de résidus de pesticides par
échantillonnage, tant au niveau des douanes et des services sanitaires, que des
supermarchés. Mais on ne cherche que les pesticides de synthèse, jamais les
pesticides naturels. Cela permet de détecter des fraudes au respect des
protocoles bio, mais pas les abus des pesticides bio, ni les résidus de
produits naturels potentiellement à risques.
Un des problèmes techniques que rencontre
l’agriculture biologique dans la gestion des problèmes phytosanitaires, est que
les lâchers d’auxiliaires, technique potentiellement efficace, présentent des
résultats très aléatoires. En effet, dans de nombreux cas, s’ils ne trouvent
pas suffisamment d’aliments dans les zones de lâchers, les auxiliaires
disparaissent. Ils s’en vont simplement à la recherche de nourriture, hors des
cultures à protéger.
Leur efficacité à court terme est bonne, puisque
l’agriculteur va réaliser les lâchers en cas de présence de problèmes, mais à
moyen et long terme, c’est beaucoup moins évident. Et leur coût est élevé.
Pourtant, il existe des conditions dans
lesquelles ces techniques fonctionnent très bien, mais elles sont incompatibles
avec la philosophie de l’agriculture biologique (bien qu’elles soient
autorisées). Je veux parler des serres. En effet, grâce aux serres, on crée un
environnement artificiellement confiné, qui permet, par l’effet de barrière
physique, à la fois une limitation des attaques d’insectes et un contrôle des
populations d’auxiliaires. Il faut cependant préciser que l’absence de pluie,
de vent, l’hygrométrie élevée et l’absence de biodiversité provoquent
l’aggravation d’autres problèmes.
Il existe des producteurs biologiques sous
serres dans de nombreux pays. Cependant la question de l’utilisation et de la
gestion des plastiques n’est que partiellement résolue.
D’autre part, il se pose un problème
philosophique dans la création d’un environnement artificiel, accompagné du
forçage des cultures, avec toutes les contraintes énergétiques et phytosanitaires
que cela représente, ainsi que l’obligation du recours à l’industrie
pétrochimique pour la fourniture des grandes quantités de plastique
nécessaires.
Un autre point particulier est la
fertilisation. Sont privilégiés les engrais d’origine naturelle, issus de
fumiers, de composts, ou de sous-produits de l’industrie agro-alimentaire,
comme les poudres d’os. Il existe de nombreuses sources de fertilisants
d’origine naturelle.
Mais on y retrouve une constante, ce sont
des engrais non solubles, non assimilables par les plantes sans passer par un
processus de minéralisation, qui en transforme les composants en éléments
assimilables. Cette caractéristique combine deux conséquences
antagonistes :
- l’avantage de permettre un enrichissement des sols en matière organique,
donc à plus longue échéance en humus, facteur important de fertilité à long
terme, et de maintien des caractéristiques agronomiques au fil des années.
- l’inconvénient de ne pas pouvoir maitriser à quel moment la minéralisation
aura lieu. Elle dépend en particulier de la température et de l’humidité du sol,
et de son activité microbienne. Il est fréquent d’observer des déséquilibres
nutritionnels à cause du déphasage entre les besoins de la plante et la mise à
disposition des éléments nutritifs par le sol. D’autre part, les éléments
libérés en abondance durant l’été (les sols sont plus chauds donc plus actifs),
et non consommés par les plantes, peuvent être lessivés par les pluies
d’automne et entrainés vers les nappes souterraines.
Les techniques culturales utilisées en
agriculture biologique visent à maintenir une biodiversité dans la ferme, et un
équilibre cultural. De cette manière, on limite le risque de développement de
certains parasites dont les cycles sont accélérés par les déséquilibres
nutritionnels et l’absence de faune auxiliaire et d’insectes utiles.
C’est le cas, par exemple, des pucerons,
acariens ou cicadelles, souvent contrôlés par les insectes auxiliaires
(coccinelles, araignées, chrysopes, syrphes, acariens phytoséides, etc.), des lépidoptères
et diptères, base de l’alimentation de nombreux oiseaux ou des chauves-souris, des
rongeurs petits ou grands comme les campagnols ou les lapins, contrôlés par les
rapaces, les serpents, les renards et autres animaux carnassiers.
Pour atteindre cet objectif, l’agriculteur
va, entre autres :
- réserver certaines zones de la ferme pour y créer des zones de
biodiversité,
- développer un enherbement contrôlé quand il le peut,
- laisser se développer certains arbres ou arbustes pour servir de refuge,
- installer des nichoirs pour les oiseaux et les chauves-souris, des
perchoirs pour les rapaces, etc.
L’agriculture biologique est-elle
performante?
Actuellement, on peut dire que non, si on
compare ses résultats productifs avec ceux de l’agriculture conventionnelle.
Une étude de l’INRA montre que la réduction de production est variable selon la
culture et les conditions agro-climatiques. La réduction se situe entre 0 et
80%, le plus souvent dans des niveaux de 25 à 50%. Sans entrer dans le détail,
il est actuellement évident que l’agriculture biologique réduit nettement les
rendements productifs potentiels des cultures.
En ce qui concerne l’élevage, ces
différences ne sont pas mesurables, car la croissance des animaux n’est pas
influencée par l’origine des aliments. La méthode d’élevage aura plus
d’influence que le type d’alimentations (animaux en liberté ou non).
Les produits de l’agriculture biologique
sont-ils meilleurs ?
Aucune étude sérieuse et impartiale n’a pu,
à ce jour, démontrer quoi que ce soit, ni sur les effets sur la santé, ni sur les
effets sur le goût. La bonne réputation d’une méthode et la mauvaise réputation
de l’autre tiennent de la légende urbaine, et sont soigneusement alimentées par
les intérêts particuliers de quelques-uns.
On peut seulement constater que les
tolérances commerciales sont très différentes, et permettent aux producteurs
biologiques de cultiver des variétés plus savoureuses. Les agriculteurs
conventionnels vont eux se heurter à la dictature de la normalisation et des
metteurs en marché, qui ne leur permet pas de le faire. Elle les oblige, pour
des motifs économiques, à cultiver des variétés à la présentation parfaite et à
la conservation augmentée, souvent au détriment du goût.
Est-il facile de passer d’une agriculture
conventionnelle à une agriculture biologique ?
En théorie, oui. L’agriculteur devra
simplement adapter les techniques culturales pour qu’elles respectent les
cahiers des charges. Il faut quand même préciser que, bien qu’il y ait peu de
différence pratique entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique,
l’agriculteur devra adopter un système de surveillance lui permettant
d’intervenir (traiter) très tôt lors des apparitions de problèmes
phytosanitaires, car il ne disposera que de produits à efficacité curative
limitée.
Mais en réalité, cela dépend de deux
facteurs principaux.
Il y a d’abord des critères d’ordre administratif.
En effet, une ferme ne pourra recevoir une certification en agriculture
biologique qu’après une phase de reconversion qui durera plusieurs années.
Cette durée est variable selon les pays et les cultures, mais va généralement
de 2 à 5 ans.
Cette période est destinée à permettre à
l’agriculteur à devenir opérationnel sur les protocoles, et surtout à permettre
à la ferme de retrouver un équilibre naturel supposé perdu, ou perturbé.
D’autre part, elle doit aussi permettre aux sols et à l’environnement de finir
de dégrader les résidus potentiels de pesticides et engrais chimique employés
précédemment.
Durant cette période, l’agriculteur doit
respecter les protocoles, mais n’en a aucun bénéfice économique puisqu’il n’a
pas le droit d’utiliser les marques spécifiques.
Ensuite, il y a la culture.
Certaines cultures sont faciles à conduire
en agriculture biologique. Ce sont en général des cultures rustiques, peu
exigeantes, et peu sensibles aux problèmes phytosanitaires. On peut ainsi citer
la vigne, l’olivier, les agrumes, certaines céréales, par exemple.
Mais au contraire, certaines cultures sont
très difficiles, voire actuellement impossibles, comme c’est le cas du pêcher
ou de la pomme de terre, dont certaines maladies sont presque impossibles à
maitriser sans l’aide de produits chimiques. Les effets de la maladie réduisent la
production à un niveau tellement bas qu’aucun système commercial ne permet à
l’agriculteur de s’en sortir.
Cependant, tout est une question de temps.
Il est probable que dans un futur proche, ce qui est aujourd’hui impossible
sera résolu par une voie ou une autre. C’est par exemple le cas du pommier,
dont un des principaux freins au développement de la production biologique
était une maladie, la tavelure. Les recherches entreprises au niveau génétique
(il ne s’agit pas d’OGM, mais d’hybridation), ont permis la création de
variétés commerciales résistantes à la tavelure, ouvrant la voir de la
production du pommier en agriculture biologique. L’INRA, en France, a été l’un
des principaux acteurs mondiaux de ces recherches.
L’agriculture biologique passe actuellement
par une phase de stagnation, due principalement au nivellement par le bas des
prix de vente des produits. La crise économique a réduit la consommation de
produits plus chers, entrainant une baisse des ventes des produits de
l’agriculture biologique. Les agriculteurs ont ainsi vu leur revenu baisser
fortement malgré tous leurs efforts. Les agriculteurs déjà certifiés en
agriculture biologique continuent en général, pour ne pas avoir à repasser par
la phase de transition, mais les nouvelles conversions sont de plus en plus
rares.
Je ne vais pas revenir ici sur les
avantages ou inconvénients de l’agriculture biologique. J’y consacrerai une
publication spécifique, car il me parait intéressant de pouvoir comparer les
différents systèmes de culture.
Cependant, je veux insister sur deux points
qui me paraissent fondamentaux par rapports aux évolutions actuelles de la
production agricole.
Tout d’abord je tiens à faire un reproche,
non pas à l’agriculture biologique, mais aux personnes chargées de communiquer,
tant sur les produits agricoles que sur des produits qui bien souvent n’ont
rien à voir avec l’agriculture.
On présente l’agriculture biologique comme
un monde parfaitement sain et bon, sans aucune explication ni donnée réelle. Il
y a de bonnes choses, sans aucun doute, mais il y a aussi de nombreux points
négatifs qui sont presque systématiquement passés sous silence.
Ce matraquage médiatique, largement relayé
par le monde politique, contribue, d’une part à donner une fausse idée positive
de l’agriculture biologique, et d’autre part (et par voie de conséquence), à
donner une image extrêmement négative, généralement injustifiée, de l’agriculture
conventionnelle.
Comme illustration, voici cette image, qui m’est arrivée par Facebook, qui se veut informative sur les codes qui apparaissent sur les fruits. C’est bien, c’est utile, c’est méconnu par presque tout le monde. Mais pourquoi définir l’agriculture conventionnelle comme « contient des pesticides »? C’est une agression caractérisée ! Ça peut être vrai, ou pas. C’est légal, puisque les normes légales existent sur le sujet, et jusqu’à preuve du contraire, c’est sans danger pour la santé.
Comme illustration, voici cette image, qui m’est arrivée par Facebook, qui se veut informative sur les codes qui apparaissent sur les fruits. C’est bien, c’est utile, c’est méconnu par presque tout le monde. Mais pourquoi définir l’agriculture conventionnelle comme « contient des pesticides »? C’est une agression caractérisée ! Ça peut être vrai, ou pas. C’est légal, puisque les normes légales existent sur le sujet, et jusqu’à preuve du contraire, c’est sans danger pour la santé.
C’est une image parmi beaucoup d’autres,
car, comme je vous l’expliquais récemment, le consommateur est une cible de
communication, et le réflexe de peur est utilisé à outrance.
L’objectif recherché est clairement de faire
acheter plus de produits bio. L’image transmise est forcément négative, comme
c’est le cas ici, et en fin de compte, contribue involontairement à une baisse globale
de consommation des fruits et légumes frais.
Car si on observe une stagnation de la
consommation des produits bio, on observe aussi une diminution globale de la
consommation, toutes méthodes de production confondues. Cela se traduit
finalement par une augmentation des produits congelés, de 4ème gamme
et en conserve, ainsi que des plats cuisinés.
Au bout du compte, c’est globalement
négatif, et préjudiciable à la santé du consommateur.
Ensuite, et pour terminer sur une note
positive, il faut reconnaitre un immense mérite à l’agriculture biologique et à
son dynamisme : elle a obligé l’ensemble de la filière agricole, ainsi que les
industries connexes et l’administration, à penser autrement.
Je pense que le plus gros changement se
situe probablement au niveau de l’industrie chimique (tant volontairement que
par les changements de normes auxquels elle doit faire face), qui a
radicalement modifié sa manière de rechercher de nouvelles molécules, intégrant
en priorité les effets secondaires, recherchant des procédés de fabrication
différents (comme c’est le cas du spinosad, substance autorisée en agriculture
biologique, qui est un produit fermenté issu de deux toxines sécrétées par une
bactérie vivant dans le sol).
D’autre part, la plupart des grandes
sociétés internationales de l’agrochimie ont fortement investi ces dernières
années dans cette voie, en créant ou en rachetant des structures spécialisées
dans la recherche en agriculture biologique. Cela démontre bien l’intérêt
qu’elles portent à ce marché qui, à l’évidence, a de l’avenir.
C’est ainsi que les agriculteurs voient
apparaitre chaque année une ou plusieurs substances nouvelles, toujours plus
efficaces, issues de ces recherches, qui permettent de substituer des molécules
plus anciennes et plus dangereuses.
Enfin, il faut ajouter que ce mouvement a
aussi eu une influence importante sur la prise de conscience de beaucoup
d’agriculteurs des répercutions de leur activité productive sur
l’environnement, tant sur les aspects positifs, que sur les aspects négatifs et
sur l’importance de ne pas faire n’importe quoi. On peut avoir un objectif
productiviste sans tout détruire au passage.
L’agriculture biologique tient une place
particulière dans l’agriculture mondiale. Elle est assez anecdotique en
quantité, mais représente un moteur puissant de d’évolution et de développement
des techniques agricoles.
Contrairement à ce que peut vous laisser
penser cette publication je n’y suis pas opposé. Je considère en effet que le
mouvement généré par le développement de l’agriculture biologique et sa grande
acceptation dans la société des pays riches, ont permis des avancées techniques
et technologiques énormes.
Mais je suis farouchement opposé à la
manipulation de l’opinion publique qui est faite autour d’elle. On ment
délibérément au public, autant sur les bienfaits supposés de l’agriculture
biologique, comme sur les méfaits de l’agriculture conventionnelle. Chacune a
ses avantages et ses inconvénients, scientifiquement démontrés, et aucune ne représente
un avantage notable par rapport à l’autre, ni pour la santé, ni pour
l’environnement, quoi qu’en disent certains.
L’agriculture biologique n’a pas besoin
d’attaquer l’agriculture conventionnelle pour se développer. Elle porte en elle
suffisamment d’aspects positifs pour son propre développement, sans devoir le
faire en exagérant les aspects négatifs de sa concurrence.
Il ne faut pas prendre les consommateurs
pour des imbéciles. Si on leur communique, de manière impartiale, les
informations adéquates, il choisira librement, et tout le monde y trouvera son
compte.
Et enfin l’administration a aussi une
sérieuse responsabilité dans une situation qu’elle favorise par un a priori positif
sur les aliments bio, mais sans les contrôles nécessaires, et un a priori
négatif sur les aliments conventionnels, mais sans la communication adéquate
sur la réalité.
Elle laisse ainsi planer un doute sur le
risque sanitaire réel que présentent les aliments frais, extrêmement
préjudiciable à l’ensemble des professions de l’alimentation, et au
consommateur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire