JE SUIS CHARLIE – CARICATURISTES, A VOS CRAYONS !
Aujourd’hui, je ne vais vous parler ni d’alimentation,
ni d’agriculture. Pourquoi ?
Parce que ces jours-ci, j’ai du mal à publier quoi
que ce soit, qui ne soit pas en rapport avec l'attentat contre Charlie Hebdo.
C'est à la fois une manière de deuil, de respect, et
une sorte de gueule de bois. Tout ce que je peux publier me parait petit, sans
intérêt, face à l'énorme conséquence de cet acte ignoble.
Car il faut bien le dire, c'est ignoble, et c'est
surtout le signe d'une faiblesse d'esprit, d'un manque total d'argumentation
intellectuelle, ou plutôt d'un refus de la valeur de l’intelligence.
Les personnes visées étaient des chroniqueurs et des
dessinateurs caricaturistes, souvent excessifs (c’est aussi le propre de la
caricature), mais dont le seul objectif était la défense de la liberté de
pensée, de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, indépendamment
de la religion, de la race ou du bord politique.
C'est pour ça que le choc est si grand, même chez
les gens qui, jusque-là, n'aimaient pas, voire haïssaient Charlie Hebdo.
D'un coup, par ce multiple meurtre insensé, tout le
monde s'est rendu compte de l'importance, dans une démocratie, d'avoir une
poignée de caricaturistes, souvent excessifs, qui nous rappellent sans cesse
que nos libertés ont un coût, sont fragiles, et qu'elles sont attaquées de
toutes parts. Les caricaturistes sont des défenseurs de nos libertés.
Cet attentat est avant tout une atteinte aux valeurs
de liberté que la France, comme beaucoup de démocraties de par le monde, ont
inscrit dans leurs constitutions.
Le politiquement correct, qui s’impose
progressivement dans notre vie quotidienne, tue la liberté de pensée, la
liberté de presse et la liberté d’expression.
Quel est le problème ?
Nos sociétés ne préparent plus leurs citoyens à
comprendre la caricature.
La caricature a une vraie fonction sociale et
politique. Elle sert à mettre en évidence et à critiquer les dérives.
Qui va critiquer une situation normale? Il n’y a
rien à en dire, puisque c’est normal. La caricature s’attaque toujours aux
excès, aux travers, aux dérives. Et c’est très sain.
La caricature est et doit rester une sorte de garde-fou
des libertés et des institutions.
Mais pour que la caricature obtienne la portée qu’elle
recherche, le peuple doit avoir été préparé à la comprendre, à l’interpréter
positivement. Sinon, il arrive ce que l’on voit de plus en plus, et qui a
conduit à ces attentats ignobles, l’incompréhension, donc le sentiment d’agression.
Les réactions parmi les jeunes des lycées sont le rejet
de l’attentat, mais surtout la critique et l’incompréhension des caricatures. Personne
ne leur a expliqué à quoi elles servent, ce qu’elles signifient, et qu’elles
ont une raison d’exister. Ils ne voient pas la critique sociale. Ils ne voient
que l’agression contre la religion.
Les caricatures sur l’Islam, ne cherchent pas à
blesser les musulmans, ni à critiquer l’Islam, ni le prophète. Elles sont
excessives ? C’est possible. Mais elles dénoncent seulement les
interprétations belliqueuses qui sont faites des textes sacrés et les dérives
extrémistes qui se produisent dans le Monde.
Le problème, c’est qu’une caricature a toujours une
cible, et cette cible ne va pas apprécier.
Notre société s’affaiblit car elle a renoncé, depuis
de nombreuses années, à enseigner ses fondements aux enfants. Elle les éduque, elle
leur enseigne les sciences et les langues, mais elle ne leur enseigne plus les
bases de la vie en société.
Quand j’étais petit, à l’école primaire, nous avions
des leçons de morale. Il s’agissait d’apprendre à être poli, à dire bonjour, à
respecter les personnes âgées, à respecter les différences, bref, à se
comporter en société.
Plus tard, au collège, nous avions des cours
d’instruction civique. C’était la base du fonctionnement des institutions,
qu’est-ce que le devoir civique, pourquoi il faut voter, à quoi servent les
lois, etc. Bref, le fonctionnement et les valeurs sociales de notre société.
C’était au siècle dernier. Doit-on en conclure qu’il
y a eu un progrès dans ce sens ?
Les derniers évènements nous démontrent, si c’était encore
nécessaire, que non. Non seulement il n’y a pas eu de progrès, mais au
contraire, nos sociétés régressent en matière de tolérance et de comportement
social et civique. Dans le même temps, les religions, les partis politiques,
les syndicats et les extrémismes de tous poils, ont pris la relève.
Il y a beau temps que ces valeurs ne sont plus
transmises dans la majorité des familles. Les bases du comportement social et
civique sont donc transmises par des enseignements privés, très souvent partisans,
voire sectaires.
Qui enseigne les valeurs de la démocratie, de la
liberté ?
Qui enseigne la morale et la normalité sociales,
pour pouvoir voir et comprendre quelles en sont les dérives ?
L’état doit reprendre la main sur l’éducation civique
de ses citoyens. L’école a un rôle fondamental à jouer dans la formation des
citoyens de demain. La portée et les conséquences de tous ces enseignements
idéologisés seront toujours moindres si les enfants qui le reçoivent, ont aussi
reçu une formation civique, tolérante et sans parti pris ni idéologie.
Ici, en Espagne, a eu lieu, il y a quelques années,
un violent débat de société sur la pertinence d’ajouter aux programmes
scolaires une formation sur la citoyenneté. Cette formation avait été mise en
place par le gouvernement socialiste d’alors, puis éliminé par le gouvernement
suivant, conservateur.
Ce programme était mal préparé, trop partisan sur
certains points sensibles, mais je regrette qu’au lieu de le supprimer, le
gouvernement conservateur, actuellement au pouvoir, n’ait pas pris le temps de
le réformer. La société espagnole a, jusqu’à présent, moins souffert des
sectarismes en tous genres. Mais qu’en sera-t-il demain ? Il y a fort à
parier que les dérives que l’on observe en France et dans d’autres pays
démocratiques, se produisent ici aussi.
Je crois fermement que l’Union Européenne devrait
imposer aux pays membres, d’inclure une formation sociale et civique dans les
programmes scolaires, depuis les petites classes.
C’est l’une des meilleures manières, sans violence
et efficaces à long terme, de réduire les risques de dérives sectaires
auxquelles nous assistons actuellement, et qui semblent se renforcer.
Aujourd’hui, j’ai participé à la marche silencieuse,
ici à Séville, pour marquer ma répulsion
à ces actes barbares.
Mais cette marche, comme toutes les autres, à
travers la France et le Monde, seront vaines si personne ne prend conscience du
malaise existant et de ses causes, et si personne ne met en place les moyens
pour (re) développer un enseignement social et civique de qualité.
Je suis Charlie.
Pourtant, il restera toujours une ombre sur ces
mouvements de soutien : l’ombre de la récupération.
Aujourd’hui, pour la grande marche de Paris, étaient
présents plusieurs dirigeants ou hauts représentants de gouvernements qui
imposent, dans leurs pays respectifs, un contrôle strict de la presse, et qui
luttent au niveau institutionnel contre la liberté de pensée, la liberté de la
presse et la liberté d’expression.
Que faut-il en penser ?
Récupération politique ou déclaration d’intentions?
CARICATURISTES, A VOS CRAYONS !
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