dimanche 28 juin 2015

46- Eau et irrigation -4- Pourquoi irriguer?



POURQUOI FAUT-IL IRRIGUER?

Avant de parler davantage d’irrigation, il est important de comprendre de quoi nous parlons. Donc je vais essayer de répondre à la question: qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert?

Les plantes, comme tous les êtres vivants, ont besoin d'eau. Il s’agit d’un élément vital. Sans eau, pas de vie, ni animale, ni végétale. Mais dans le cas des plantes, l'eau joue un rôle multiple, finalement plus complexe que dans le cas des animaux.

Le premier rôle, comme chez tous les êtres vivants, est d'être le liquide qui emplit et baigne les cellules, maintenant les organes cellulaires en état d'activité.
L'eau est également «la sueur» des plantes, c'est-à-dire ce qui permet à la plante de réaliser sa propre régulation thermique par la transpiration, qu’on appelle d’ailleurs, dans ce cas, l’évapotranspiration.
L'eau est aussi le véhicule des différents éléments minéraux et hormonaux à travers la plante, sous forme de sève, comme le sang chez les animaux.
Mais ce qui distingue les plantes des animaux, en ce qui concerne l'eau, c'est que la plante n'a pas de moyen autonome de manger. Manger représente, chez les animaux, le moyen d'absorber les éléments minéraux que leur organisme réclame, à travers des aliments plus ou moins solides. La plante réalise cette action vitale principalement par les racines, et en partie aussi par les feuilles et l’écorce jeune. Mais les racines ne peuvent absorber que de l'eau, chargée en éléments minéraux dissouts.
Donc l'eau représente, pour la plante, autant la boisson que la nourriture.

L'irrigation représentée dans la tombe de Sennedjem, en Egypte, à l'époque du pharaon Ramses II, vers les années 1275 avant JC, c'est à dire il y a plus de 3000 ans.

L'irrigation s'utilise en agriculture depuis plus de 5000 ans pour permettre aux plantes, organisées dans la plupart des cas en monoculture, de poursuivre leur activité, même pendant les mois pendant lesquels les pluies sont insuffisantes ou absentes.
L’agriculteur doit pouvoir subvenir aux besoins de ses cultures lorsque la nature ne peut pas le faire. Il s’agit dans ce cas, de permettre à la plante de terminer son cycle, d’assurer la production d’aliments (le manque d’eau pourrait la compromettre) et, dans le cas des cultures pérennes, d’assurer leur survie jusqu’à l’année suivante.

Une fois que ce concept est compris, on rentre dans des considérations techniques, qui vont concerner le système d’irrigation, la disponibilité en eau, la qualité de l’eau disponible, les doses d’eau, leur fréquence, etc.
Une bonne gestion de l’eau va permettre d’optimiser les ressources tout en obtenant de bons résultats agronomiques et productifs.
Une mauvaise gestion de l’eau va au contraire provoquer toutes sortes de stress hydriques, par manque ou par excès, accompagnés de problèmes agronomiques, de risques de pollution des nappes phréatiques et de mauvais résultats productifs.
Pour ne citer qu’un exemple que je connais bien, dans mes conditions de plaine dans la région de Séville, je peux conduire le verger jusqu’à la récolte, et préparer la récolte suivante avec moins de 3.000 m3 d’eau par hectare et par an, quand je connais des vergers, dans des conditions comparables, ou parfois moins difficiles, qui consomment entre 2 et 5 fois plus d’eau.

Les éléments nutritifs absorbés par les racines sont donc toujours dissouts dans l’eau. Leur provenance, du sol ou des engrais naturels ou chimiques, ne change pas la manière dont la plante peut les assimiler.
Du fait qu’ils sont solubles dans l’eau, les éléments non absorbés par les racines, risquent d’être entrainés vers les nappes phréatiques en cas d’excès d’eau ou de pluie abondante. Une mauvaise gestion de l’eau entraine donc aussi un important risque de pollution de ressources hydriques.

Dans un climat où les pluies sont réparties de manière assez homogène tout au long de l’année, l’irrigation n’est pas nécessaire car la réserve hydrique du sol est naturellement reconstituée par chaque épisode de pluie. En revanche, en climat méditerranéen, continental sec, aride ou semi-aride, la plupart des plantes ne sont pas capables de se maintenir sans l’aide de l’agriculteur. L’irrigation est donc nécessaire pour subvenir aux besoins des plantes dans les périodes où la réserve d’eau du sol devient insuffisante.
Il y a quelques années, ici à Séville, région dans laquelle sans irrigation il n’y aurait pratiquement pas d’agriculture, j’ai reçu un groupe de jeunes élèves d’une école d’agriculture du Danemark. Ils ne comprenaient pas pourquoi la ferme était équipée de pompages et de tuyauteries. J’ai donc dû leur expliquer les caractéristiques climatiques de la région pour qu’ils comprennent l’utilité d’un système qui, à l’évidence, n’est pas nécessaire chez eux.

Une autre différence entre les plantes et les animaux, est que ces derniers peuvent se déplacer pour aller à la recherche de l’eau. Concrètement, l’agriculteur peut localiser l’apport d’eau aux animaux de telle manière que chaque litre d’eau est consommé, sans aucun gaspillage.
Dans le cas des plantes, c’est différent puisque la plante doit trouver l’eau dans le volume de sol qu’elle prospecte avec ses racines. Il est plus difficile pour l’agriculteur de ne pas gaspiller d’eau, car il lui est très difficile de contrôler de manière exacte, tant la consommation des plantes que l’ajustement des apports d’eau. C’est là que la technicisation de l’irrigation peut apporter des solutions.

Il faut être conscient que l’irrigation n’est pas un caprice d’agriculteur, mais un besoin réel dans de très nombreuses zones de la planète. Sans irrigation, les problèmes de disponibilité des aliments seraient encore beaucoup plus graves.
De plus le riz, l’un des principaux aliments de base au niveau mondial, a besoin d’une phase d’inondation permanente pour produire, occasionnant une forte consommation d’eau douce.
Il est clair que sans irrigation, les problèmes alimentaires seraient beaucoup plus graves. La faim pousse souvent à la révolte. On peut donc considérer que l’irrigation est un important facteur de paix sociale.

 
Cependant, il faut en connaitre les limites. Les ressources en eau douce ne sont pas inépuisables et il est indispensable de les gérer de manière cohérente.

Un des principaux facteurs de gaspillage des ressources en eau douce est la mauvaise gestion de l’irrigation. L’agriculteur doit connaitre ses cultures, ses besoins à chaque moment et savoir (et pouvoir) augmenter ou réduire les apports d’eau pour les adapter aux besoins. Il y a donc à l’évidence un important problème de formation/information des agriculteurs d’une part, et de prise de conscience d’autre part.
Une bonne gestion des cultures permet d’augmenter la productivité de chaque champ. Un champ bien irrigué va produire plus, donc il faudra moins de surface irriguée pour produire la même quantité d’aliments. Une amélioration de la productivité par la formation et la technification représente donc un important facteur d’économie d’eau, donc de durabilité de l’agriculture irriguée.

Quel sont les problèmes qui vont pousser un agriculteur à arroser trop ?
Ils sont nombreux. On peut parler
-       Du système d’irrigation (irrigation par submersion, par aspersion ou par goutte à goutte)
-       De la disponibilité en eau (forages ou bassins qui permettent de disposer de l’eau à volonté, ou réseaux communautaires avec tours d’eau qui ne laissent que des périodes disponibles limitées)
-       De la qualité du contrôle des besoins en eau de la plante par l’agriculteur (contrôle de l’humidité du sol, du fonctionnement de la plante, des données climatiques, etc.)
-       De la peur de l’agriculteur. Il est fréquent que les agriculteurs aient peur du manque d’eau plus que de l’excès d’eau. Pourtant l’excès d’eau est généralement plus préjudiciable que le manque. Cette peur irraisonnée vient aussi du fait qu’une plante asphyxiée montre, au début du problème, un symptôme très semblable à celui d’une plante souffrant de sécheresse.
-       Du type de sol. Certains sols sont difficiles à gérer car la circulation de l’eau y est compliquée. En général, l’agriculteur préfèrera souvent prendre le risque d’un excès d’eau ce qui est presque toujours une erreur.

Je reviendrai sur ces problèmes dans plusieurs articles à venir.

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