dimanche 26 janvier 2014

3- Sélection, mutation, hybridation, OGM



Après mon coup de sang de la semaine dernière, je vais aborder aujourd’hui un sujet un peu plus léger (bien que…): l’évolution génétique des espèces. C’est un sujet général, valable autant pour les végétaux que pour les animaux.
De quoi s’agit-il?
Des différentes manières naturelles ou artificielles qui font évoluer les espèces. De tous temps, depuis l’invention de l’agriculture, l’homme a cherché à adapter son environnement, et ses activités agricoles, à ses besoins. Il a donc ressenti le besoin de sélectionner les espèces en fonction de caractéristiques particulières, permettant d’apporter des améliorations à ce qui existait jusqu’alors.

1-    LA SELECTION
C’est le processus le plus simple, qui va être utilisé soit seul, soit en complément des autres méthodes.
Cela consiste simplement à observer une population d’une même espèce, et à en choisir les individus les plus intéressants pour s’en servir de géniteurs, de manière à essayer de transmettre à sa descendance les caractères pour lesquels ils ont été repérés. Par exemple, chez le pommier, une variété déjà ancienne et pratiquement disparue est Gala, variété bicolore d’été obtenue dans les années 20 en Nouvelle Zélande. C’est une variété dont les caractéristiques générales sont très intéressantes, mais dont la couleur ne correspond plus aux standarts actuels.  Dans des vergers de Gala, ont été sélectionnés les arbres produisant les fruits les plus colorés (en fait ce sont de petites mutations naturelles n’affectant que la couleur) pour obtenir l’actuelle variété Royal Gala. C’est la même variété que Gala, mais dotée d’une couleur rouge plus intense. On procède de la même manière pour sélectionner des vaches produisant plus de lait, des brebis produisant plus de laine, des chevaux courant plus vite, ou des chiens et chats aux caractéristiques de race plus au gout des jurys de concours de beauté.
C’est une méthode très ancienne, qui a toujours été utilisée, consciemment ou inconsciemment par les agriculteurs et par les jardiniers du monde entier.

2-    LA MUTATION
C’est un processus naturel, qui consiste en un changement génétique  qui peut porter sur une ou plusieurs caractéristiques. C’est une des principales causes de l’évolution des espèces.
C’est un phénomène fréquent chez les espèces végétales où l’on va trouver, dans une culture, soit une plante, soit une branche avec des caractéristiques différentes. C’est ainsi qu’il est courant, par exemple dans mes vergers de pêcher, de trouver un rameau de nectarine, ou un rameau avec des fruits de couleur ou de forme différente. Cela provient d’un changement génétique dans le processus de formation d’un bourgeon, qui se développe avec des caractéristiques différentes. Cette nouvelle caractéristique est fixée dans le génome de l’individu mutant ou de la zone mutante et peut ensuite se transmettre a sa descendance. Si le caractère mutant est intéressant, il pourra, soit être utilisé tel quel, soit être récupéré comme géniteur dans le but d’en créer une descendance par une technique d’hybridation.
Il est également possible de provoquer artificellement des mutations par irradiation contrôlée dans des laboratoires spécialisés.


3-    L’HYBRIDATION
C’est une méthode très ancienne, qui repose sur l’observation des caractères, et sur leur capacité à se combiner pour créer une caractéristique différente. La technique d’hybridation se fait normalement par les voies naturelles, ne permettant pas les hybridations d’individus naturellement incompatibles. C’est la méthode actuellement dominante pour l’obtention de nouvelles caractéristiques variétales. Si on croise une nectarine à chair jaune, petite et précoce, avec une pêche plate tardive à chair blanche et sanguine, on va obtenir une palette de fruits des plus divers, qui vont combiner de toutes les manières possibles les différents caractères originaux des parents. On considère que, chez le pêcher, un croisement contrôlé de 2 variétés déterminées peut donner une variabilité d’environ 500 types différents.
C’est en procédant de cette manière que, ces dernières années, sont apparues sur les marchés, des pêches plates (paraguayos)  et des nectarines plates (platerines). A l’origine du caractère plat, on trouve une mutation naturelle vieille de 2000 ans qui se produisit en Chine. Plus près de nous, on trouve une vieille variété cultivée depuis longtemps dans la région de Murcia, en Espagne, appelée Paraguayo, qui est une petite pêche plate, assez diforme, verdâtre, à chair blanche et légèrement sanguine, peu sucrée mais très aromatique (une sorte de pêche de vigne de couleur verte, et plate). Elle a été utilisée comme géniteur dans plusieurs programmes d’hybridation, permettant d’obtenir les gammes variétales actuelles.
La technique est simple: on prend un arbre d’une variété qui sera le géniteur femelle (le récepteur), et on remplace la pollinisation naturelle (normalement fait par les abeilles) par un travail délicat au pinceau fin, en posant sur le pistil de chaque fleur, des grains de pollen de la variété choisie comme géniteur mâle. On peut aussi procéder en isolant des arbres des deux variétés choisies, sous un filet à maillage très fin, sous lequel on place une ruche. Les abeilles n’auront d’autre choix que d’interpolliniser les deux arbres présents.
Enfin, il existe la pollinisation naturelle, sans intervention humaine, qui consiste simplement en un transport de pollen d’une variété à l’autre par les abeilles. Cette technique n’est pas normalement utilisée pour l’hybridation, mais par contre elle est très utilisée pour la pollinization des variétés autostériles, c’est à dire dont le pollen es incompatible avec sa propre fleur (cas habituel chez l’abricotier, le cerisier, le prunier, le pommier ou le poirier, par exemple).
Les fruits obtenus seront les mêmes que la variété femelle d’origine, les changements génétiques s’opérant au niveau du noyau, donc invisibles immédiatement. On récupère tous les noyaux et on les met à germer. Chaque noyau est porteur d’un ensemble de caractères combinés entre ses deux parents.
Les deux types d’hybridation les plus habituels sont:
- L’hybridation intraspécifique, qui consiste à croiser deux variétés (chez les plantes) ou deux races (chez les animaux), d’une même espèce. C’est par exemple, croiser une pomme Golden avec une pomme Granny Smith, ou un chien berger allemande avec un chien boxer. Chez les humains, on appelle ce processus le métissage.
- L’hybridation interspécifique, qui consiste à croiser deux espèces voisines et compatibles. Chez les plantes, c’est la croisement du blé et du seigle (triticale), ou de la clémentine et de la tangerine (clemenvilla), ou encore de l’abricot et du prunier (aprium ou pluot). Chez les animaux, les cas sont nombreux. Le plus connu est le mulet, croisement de cheval et d’âne, mais c’est assez fréquent chez les félins, ou dans les élevages de cochons à l’air libre, où s’introduisent parfois des sangliers.
Reste le problème des hybrides F1, applicable aux semences de cultures annuelles. Il s’agit de semences obtenues par pollinisation artificielle de première génération, dont les caractéristiques agronomiques sont connues, et généralement intéressantes. Mais la descendance de ces hybrides F1 (les hybrides F2) est très différente. L’agriculteur est obligé de racheter les semences chaque année pour conserver les propriétés de la variété. Les sociétés produisant ces semences ont été accusées de profiter du système. Même si c’est partiellement vrai (ce sont des sociétés à but lucratif), il faut cependant dire, pour leur défense, que les qualités des hybrides F1 sont très difficiles à obtenir par d’autres moyens (les variétés stables ont généralement des performances agronomiques moindres, et tendent à dégénérer au fil des générations), et que, d’autre part, la recherche variétale coute très cher, et c’est un moyen d’amortir les investissements. Les prix des semences sont calculés pour un bénéfice mutuel, sinon le semencier ne vendrait rien. Les agriculteurs ne sont pas idiots, tout de même.

4-    LES OGM
Il s’agit d’une technique qui peut s’appliquer aussi bien aux animaux qu’aux plantes. Elle consiste, en laboratoire, à réaliser une modification artificielle sur un gène concret, destiné à modifier le comportement de l’organisme d’origine. La technique nous permet d’imaginer à peu près n’importe quelle modification ou croisement impossible dans la nature, en particulier des croisements interspécifiques inimaginables par les voies naturelles.
Il est évident qu’il peut y avoir un sérieux problème éthique à utiliser cette technique. D’autre part, certaines sociétés en ont fait une arme économique très puissante. Il faut dire aussi que les premières varétés OGM commercialisées à grande échelle l’ont été pour des résistances aux herbicides, occasionnant parfois une surconsommation de ces mêmes herbicides, accompagnée de problèmes environnementaux. Les organisations écologistes en ont fait un emblème de lutte contre les OGM, sans prendre en compte les potentialités bénéfiques de la méthode. Les organisations altermondialistes, de leur côté, ont combiné le refus des OGM avec le fait que ce soient de hybrides F1, pour s’attaquer violemment aux entreprises de semences, sans chercher à voir quels sont les aspects positifs du système. Des films ont été faits sur le sujet, des campagnes politiques aussi, mais sans aucune objectivité, jouant sur la peur du risque inconnu, et utilisant parfaitement la puissance des moyens de communication actuels. Et on sait très bien, depuis les dictatures jusqu’aux grandes crises politiques et économiques, à quel point la puissance des médias est élevée, et à quel point il est facile de manipuler l’opinion publique par des images choquantes.
Cependant, il faut souligner que cette technique permet d’imaginer des solutions intéressantes dans des conditions particulières. Par exemple, d’importants travaux sont en cours pour créer, par cette méthode, des cultures adaptées aux sols salins éxistant dans certaines régions du monde (et interdisant actuellement tout type d’agriculture), ou résistantes aux situations graves de sécheresse, pour ne citer que deux exemples.
Un des principaux problèmes rencontrés depuis la commercialisation des premières cultures OGM, est la modification de certaines protéines de la culture, leur donnant un caractère parfois dangereux pour la santé humaine. Mais il paraît évident que si des travaux adaptés sont réalisés, les chercheurs apprendront à dominer ces risques. Des travaux de recherche sont en cours dans ce sens.
La technique a probablement un avenir important dans l’objectif inévitable d’alimenter la planète dans les siècles à venir, mais il est indispensable d’encadrer son utilisation.
“Science sans conscience n’est que ruine de l’âme”, écrivait François Rabelais en 1532 dans “Pantagruel”. La formule a un peu vieilli, mais elle reste complètement actuelle dans sa signification. Toute technique nouvelle peut donner lieu à des dérives. C’est le cas avec les OGM. Les premières cultures OGM ont des défauts qui sont apparus après leur commercialization. Ce n’est pas pour cela qu’il faut abandoner la technique, d’autant que, puisqu’elle est connue, elle sera inévitablement récupérée par des gens, pas forcément scrupuleux, qui en feront un outil d’enrichisssement personnel ou de domination.
Pourtant cette technique peut apporter des réponses très intéressantes à de nombreux problèmes actuellement sans solution, et pour le bien de l’humanité.
Il est donc préférable de continuer à travailler dessus, de s’en servir de manière contrôlée, mais en mettant en place les moyens politiques et juridiques pour en éviter les dérives.

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