SOUFFRANCE VÉGÉTALE
Le végétarisme et le véganisme reçoivent un
accueil croissant. Un des principaux arguments évoqués est le refus de la
souffrance des animaux.
Cette souffrance est mise en avant, tant au
moment du sacrifice, que durant la phase d'élevage.
De nombreux articles ou reportages dénoncent
les élevages industriels dans lesquels on peut voir les animaux dans des
conditions discutables. Comme toujours dans ces reportages à sensation, destinés
avant tout à faire de l’audience, on oublie de préciser que la grande majorité
des animaux sont élevés dans des conditions très bonnes, avec pâturages et un
espace suffisant pour pouvoir s'ébattre.
Quelques scandales récents concernant des
abattoirs mal tenus sont venus renforcer ces critiques, tout en occultant que
la plupart des abattoirs sont bien tenus et respectent les chartes d’éthique.
Mais ces personnes, qui ont choisi de ne
pas consommer de viande par opposition à la souffrance animale, refusent tout
questionnement concernant la souffrance végétale (voir par exemple http://www.vegan-france.fr/cri-de-la-carotte.php).
Les plantes ne crient pas, ne se plaignent
pas, c'est un tort. Elles ne savent pas comment se faire entendre des humains.
Les humains, eux, ont toujours considéré les plantes comme des êtres inertes,
qui leur ont servi à produire, à fabriquer des outils, des maisons et de
nombreux objets quotidiens ou à se réchauffer. Bref, les plantes sont des
accessoires, dont on nous répète depuis quelques années qu'elles sont
indispensables car c'est grâce à elles que nous avons de l'air pour respirer,
qui forment de beaux paysages et produisent des aliments et des fleurs. Et
finalement, ça se limite à ça.
La science traditionnelle pense que les
plantes ne ressentent pas la douleur pour deux raisons au moins:
- d'une part elles ne possèdent pas de
récepteur de douleur du même type que chez les animaux, les nocicepteurs.
- d'autre part, elles n'ont pas de raison
de ressentir la douleur. Chez les animaux, la douleur sert à mettre en action
les réflexes de protection, en particulier la fuite. Les végétaux n'ayant pas
la possibilité de fuir, ils n'ont pas de raison de ressentir la douleur.
Alors, les plantes souffrent-elles?
Plusieurs équipes scientifiques à travers
le monde travaillent sur cette question.
Regardez par exemple ce court vidéo du
Smithsonian's Channel (en anglais, mais facilement compréhensible).
L’expérience est conduite sur le mimosa
pudique (Mimosa pudica), une des rares plantes qui réagit de manière très
visuelle aux stimulations.
La première partie nous montre que les
plantes peuvent être "anesthésiées" par de l'éther, qui est capable
de les "endormir" au point qu'elles cessent de réagir aux
stimulations. En fait, il semble que l'éther bloque la transmission des signaux
électriques à travers la plante, d'une manière comparable au blocage qu'il fait
de nos neurotransmetteurs. Quel processus permet-il cette transmission?
Mystère. Les scientifiques n'en sont qu'à une phase d'observation, les
conclusions viendront plus tard. Ce phénomène existe, cette expérience le
prouve, reste maintenant à l'analyser et à le comprendre.
La deuxième partie montre comment, lors
d'une agression, si la plante n'a pas été préalablement anesthésiée, elle émet
un signal électrique de réaction. Elle transmet une information à la partie non
affectée par l'agression. Est-ce un signe de souffrance? Personne ne peut le
dire actuellement. Il est probable que ce soit un signal de détresse, qui
permet au reste de la plante d’activer ses moyens internes d’autodéfense (voir
mon post sur l’autodéfense des plantes https://culturagriculture.blogspot.com.es/2015/09/52-lesprit-des-plantes-2-autodefense.html).
Mais il semble clair qu'il existe, chez les
plantes, un "système électrique" de transmission des informations
d'une zone à l'autre.
Durant des siècles nous avons pensé que les
animaux ne souffraient pas, que les femmes n'avaient pas d'âme, et que les
enfants petits ne ressentaient pas la douleur. Il a bien fallu se rendre à
l'évidence. De la même manière, on s'est rendu compte que la Terre tourne sur
elle-même, qu'elle tourne autour du Soleil et qu'elle n'est pas le centre de l'Univers.
En d'autres temps, des gens ont été mis sur le bucher pour de telles
affirmations. Pourtant, actuellement nous le savons parfaitement, nous en avons
toutes les preuves voulues et personne, à part quelques insensés, ne le met en
doute. Bref, l'être humain progresse dans sa compréhension de l'Univers et de
son environnement grâce à la science.
Il est fort possible que dans les années à
venir, la science nous démontre qu'il existe une vraie souffrance végétale.
Le monde végétal est une des grandes voies
de découvertes pour les décennies ou les siècles à venir. Les progrès récents
dans sa compréhension, nous permettent de savoir désormais que le monde végétal
est beaucoup plus complexe et organisé que nous ne le pensions, et que les
plantes sont dotées de mécanismes très différents des animaux, qui leurs
permettent de réagir à leur manière face à des stimulations du même type.
Devrons-nous alors cesser de manger des végétaux?
Passer d'omnivore à végétarien, c'est facile, de végétarien à végan, c’est un
peu plus compliqué, mais c’est jouable aussi. En revanche passer de végan à
quoi?
Beaucoup de découvertes nous ferons changer
notre vision des plantes, ainsi que notre rapport aux végétaux. Dans quel sens?
Je n'en sais rien. Personnellement, je suis prêt à croire que notre
connaissance des plantes nous permettra, dans un futur sans doute assez
lointain, d'interagir avec les plantes, pour aller vers une agriculture encore
plus durable et productive, dans laquelle la plante jouera un rôle actif.
Alors, le végétarisme et le véganisme
sont-ils raisonnables?
Doit-on lutter contre la souffrance animale
par une alimentation exclusivement à base de végétaux?
Et si on démontrait que les plantes
souffrent, comment devrait-on réagir?
Grandes questions éthiques dont les réponses
ne peuvent être qu'individuelles et personnelles.
Je ne peux qu'émettre une opinion. Il
n'existe aucune vérité absolue actuellement. Mais cette vérité viendra. A relativement
brève échéance, nous saurons avec certitude ce que ressentent les plantes
lorsqu'on cueille leurs fruits (comme dans le cas de la plupart des fruits et
légumes), qu'on les arrache (comme dans le cas des carottes, navets, radis,
pommes de terre, patates douces, etc), qu'on les coupe (laitues, asperges,
pousses de bambous, salsifis, etc.) pour s'alimenter, ou qu'on les taille,
comme dans le cas des vergers, des forêts, des fleurs coupées.
Il est certain que l'être humain est un
super prédateur, dont l'organisme est fait pour digérer et assimiler des
éléments de provenance végétale aussi bien que de provenance animale. Le nier,
c'est tout simplement nier la Nature.
Devrait-on rendre les lions ou les léopards
végétariens pour éviter la souffrance des antilopes ou des zèbres? Il est vrai
que certains moines tibétains élèvent des tigres qu'ils ne nourrissent que de
produits végétaux. Mais que se passerait-il si ces animaux étaient libérés et
relâchés dans la nature? Resteraient-ils végétariens? Je suis persuadé que non.
Leur instinct de prédateur carnivore remonterait à la surface. Ils
redeviendraient de redoutables chasseurs. C'est la loi de la Nature.
L’équilibre naturel exige que les prédateurs existent.
D’autre part, notre douleur et notre
souffrance face à la mort n’a rien à voir avec celle des animaux. Quand des
loups attaquent un troupeau de moutons et en tuent deux, par exemple, que fait
le reste du troupeau ? Une fois passé le moment de peur et d’instinct de
survie, le même instinct de survie les conduit à continuer à paitre
paisiblement, jusqu’à la prochaine attaque. Pas de deuil ni de larmes, juste un
moment de peur.
Il faut lutter contre les abus des humains
contre la Nature d'une manière générale, c’est évident, mais je ne crois pas
que ce soit là la manière de le faire.
Car avec ce raisonnement et les
connaissances actuelles, il est également évident que si on refuse de voir
souffrir les animaux, il faut aussi refuser le risque, bien qu’encore douteux,
de faire souffrir les plantes.
L'être humain devra-t-il cesser de
s'alimenter pour ne plus faire souffrir ni les animaux, ni les plantes?
Bien sûr que non. En revanche, il peut
réfléchir sur les méthodes de production, et les modifier, pour les rendre plus
respectueuses des plantes et des animaux. Ce qui ne veut pas dire que je prône
l'agriculture biologique. A mon sens, ça n'a rien à voir, et comme je vous l'ai
déjà expliqué à plusieurs reprises, les méthodes de production intégrée sont au
moins aussi respectueuses de l'environnement, sinon plus, que les méthodes de
production biologique.
Cette humanisation à l’extrême de tous nos
processus de production est à mon avis ridicule, et sont un frein à l’évolution
vers une agriculture plus durable. C’est d’autant plus ridicule que dans la
plupart des cas, elle provient de ceux qui sont les pourfendeurs d’une vision anthropocentrique
du monde. Mais qu’y a-t-il donc de plus anthropocentrique que de vouloir prêter
aux animaux des sensations et des sentiments humains ?
Ce qui n’implique pas de faire n’importe
quoi. Je défends une agriculture intégrée, éthique, productive et respectueuse
des personnes qui en dépendent (travailleurs et consommateurs), des populations
qui l’entourent et de l’environnement.
En guise de conclusion, je voudrais
reprendre un extrait de la conclusion d’un travail dont je vous recommande la
lecture complète (en français), intitulé « Existe-t-il un équivalent de la
douleur humaine chez les végétaux ? » https://tpedouleurvegetale.wordpress.com/
« Nous avons vu au travers de nos
travaux que lors d’une agression, les
végétaux mettent en place un système de défense basé sur des réactions en chaînes. Bien qu’ils
disposent de récepteurs, ils ne disposent pas d’organes d’interprétation comme
le cerveau dans le cas de l’homme. Or nous avons vu que chez l’homme, la
douleur était modélisée au niveau du cerveau. On peut donc dire que les plantes
ne souffrent pas selon la vision de l’être humain. Reconnaissons néanmoins
qu’il nous est difficile de concevoir une autre forme d’existence de douleur
étant donné que notre physiologie est très différente de celles des végétaux voire
de certains animaux. Notre façon de penser est donc d’une certaine manière
conditionnée par notre espèce et le fait d’essayer d’imaginer d’autres modes de
fonctionnements s’avère plus difficile. Les végétaux pourraient donc percevoir
des choses que ne pouvons même pas imaginer. Nous avons développé ici
l’hypothèse que les plantes pouvaient souffrir si on considérait la douleur
comme un élément essentiel à la survie de l’espèce. »
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