lundi 29 février 2016

70- L'esprit des plantes -5- Souffrance

SOUFFRANCE VÉGÉTALE

Le végétarisme et le véganisme reçoivent un accueil croissant. Un des principaux arguments évoqués est le refus de la souffrance des animaux.
Cette souffrance est mise en avant, tant au moment du sacrifice, que durant la phase d'élevage.



De nombreux articles ou reportages dénoncent les élevages industriels dans lesquels on peut voir les animaux dans des conditions discutables. Comme toujours dans ces reportages à sensation, destinés avant tout à faire de l’audience, on oublie de préciser que la grande majorité des animaux sont élevés dans des conditions très bonnes, avec pâturages et un espace suffisant pour pouvoir s'ébattre.
Quelques scandales récents concernant des abattoirs mal tenus sont venus renforcer ces critiques, tout en occultant que la plupart des abattoirs sont bien tenus et respectent les chartes d’éthique.


Mais ces personnes, qui ont choisi de ne pas consommer de viande par opposition à la souffrance animale, refusent tout questionnement concernant la souffrance végétale (voir par exemple http://www.vegan-france.fr/cri-de-la-carotte.php).
Les plantes ne crient pas, ne se plaignent pas, c'est un tort. Elles ne savent pas comment se faire entendre des humains. Les humains, eux, ont toujours considéré les plantes comme des êtres inertes, qui leur ont servi à produire, à fabriquer des outils, des maisons et de nombreux objets quotidiens ou à se réchauffer. Bref, les plantes sont des accessoires, dont on nous répète depuis quelques années qu'elles sont indispensables car c'est grâce à elles que nous avons de l'air pour respirer, qui forment de beaux paysages et produisent des aliments et des fleurs. Et finalement, ça se limite à ça.

La science traditionnelle pense que les plantes ne ressentent pas la douleur pour deux raisons au moins:
- d'une part elles ne possèdent pas de récepteur de douleur du même type que chez les animaux, les nocicepteurs.
- d'autre part, elles n'ont pas de raison de ressentir la douleur. Chez les animaux, la douleur sert à mettre en action les réflexes de protection, en particulier la fuite. Les végétaux n'ayant pas la possibilité de fuir, ils n'ont pas de raison de ressentir la douleur.

Alors, les plantes souffrent-elles?
Plusieurs équipes scientifiques à travers le monde travaillent sur cette question.
Regardez par exemple ce court vidéo du Smithsonian's Channel (en anglais, mais facilement compréhensible).


L’expérience est conduite sur le mimosa pudique (Mimosa pudica), une des rares plantes qui réagit de manière très visuelle aux stimulations.
La première partie nous montre que les plantes peuvent être "anesthésiées" par de l'éther, qui est capable de les "endormir" au point qu'elles cessent de réagir aux stimulations. En fait, il semble que l'éther bloque la transmission des signaux électriques à travers la plante, d'une manière comparable au blocage qu'il fait de nos neurotransmetteurs. Quel processus permet-il cette transmission? Mystère. Les scientifiques n'en sont qu'à une phase d'observation, les conclusions viendront plus tard. Ce phénomène existe, cette expérience le prouve, reste maintenant à l'analyser et à le comprendre.
La deuxième partie montre comment, lors d'une agression, si la plante n'a pas été préalablement anesthésiée, elle émet un signal électrique de réaction. Elle transmet une information à la partie non affectée par l'agression. Est-ce un signe de souffrance? Personne ne peut le dire actuellement. Il est probable que ce soit un signal de détresse, qui permet au reste de la plante d’activer ses moyens internes d’autodéfense (voir mon post sur l’autodéfense des plantes https://culturagriculture.blogspot.com.es/2015/09/52-lesprit-des-plantes-2-autodefense.html).
Mais il semble clair qu'il existe, chez les plantes, un "système électrique" de transmission des informations d'une zone à l'autre.


Durant des siècles nous avons pensé que les animaux ne souffraient pas, que les femmes n'avaient pas d'âme, et que les enfants petits ne ressentaient pas la douleur. Il a bien fallu se rendre à l'évidence. De la même manière, on s'est rendu compte que la Terre tourne sur elle-même, qu'elle tourne autour du Soleil et qu'elle n'est pas le centre de l'Univers. En d'autres temps, des gens ont été mis sur le bucher pour de telles affirmations. Pourtant, actuellement nous le savons parfaitement, nous en avons toutes les preuves voulues et personne, à part quelques insensés, ne le met en doute. Bref, l'être humain progresse dans sa compréhension de l'Univers et de son environnement grâce à la science.
Il est fort possible que dans les années à venir, la science nous démontre qu'il existe une vraie souffrance végétale.

Le monde végétal est une des grandes voies de découvertes pour les décennies ou les siècles à venir. Les progrès récents dans sa compréhension, nous permettent de savoir désormais que le monde végétal est beaucoup plus complexe et organisé que nous ne le pensions, et que les plantes sont dotées de mécanismes très différents des animaux, qui leurs permettent de réagir à leur manière face à des stimulations du même type.
Devrons-nous alors cesser de manger des végétaux? Passer d'omnivore à végétarien, c'est facile, de végétarien à végan, c’est un peu plus compliqué, mais c’est jouable aussi. En revanche passer de végan à quoi?
Beaucoup de découvertes nous ferons changer notre vision des plantes, ainsi que notre rapport aux végétaux. Dans quel sens? Je n'en sais rien. Personnellement, je suis prêt à croire que notre connaissance des plantes nous permettra, dans un futur sans doute assez lointain, d'interagir avec les plantes, pour aller vers une agriculture encore plus durable et productive, dans laquelle la plante jouera un rôle actif.

Alors, le végétarisme et le véganisme sont-ils raisonnables?
Doit-on lutter contre la souffrance animale par une alimentation exclusivement à base de végétaux?
Et si on démontrait que les plantes souffrent, comment devrait-on réagir?
Grandes questions éthiques dont les réponses ne peuvent être qu'individuelles et personnelles.
Je ne peux qu'émettre une opinion. Il n'existe aucune vérité absolue actuellement. Mais cette vérité viendra. A relativement brève échéance, nous saurons avec certitude ce que ressentent les plantes lorsqu'on cueille leurs fruits (comme dans le cas de la plupart des fruits et légumes), qu'on les arrache (comme dans le cas des carottes, navets, radis, pommes de terre, patates douces, etc), qu'on les coupe (laitues, asperges, pousses de bambous, salsifis, etc.) pour s'alimenter, ou qu'on les taille, comme dans le cas des vergers, des forêts, des fleurs coupées.


Il est certain que l'être humain est un super prédateur, dont l'organisme est fait pour digérer et assimiler des éléments de provenance végétale aussi bien que de provenance animale. Le nier, c'est tout simplement nier la Nature.
Devrait-on rendre les lions ou les léopards végétariens pour éviter la souffrance des antilopes ou des zèbres? Il est vrai que certains moines tibétains élèvent des tigres qu'ils ne nourrissent que de produits végétaux. Mais que se passerait-il si ces animaux étaient libérés et relâchés dans la nature? Resteraient-ils végétariens? Je suis persuadé que non. Leur instinct de prédateur carnivore remonterait à la surface. Ils redeviendraient de redoutables chasseurs. C'est la loi de la Nature. L’équilibre naturel exige que les prédateurs existent.
D’autre part, notre douleur et notre souffrance face à la mort n’a rien à voir avec celle des animaux. Quand des loups attaquent un troupeau de moutons et en tuent deux, par exemple, que fait le reste du troupeau ? Une fois passé le moment de peur et d’instinct de survie, le même instinct de survie les conduit à continuer à paitre paisiblement, jusqu’à la prochaine attaque. Pas de deuil ni de larmes, juste un moment de peur.

Il faut lutter contre les abus des humains contre la Nature d'une manière générale, c’est évident, mais je ne crois pas que ce soit là la manière de le faire.
Car avec ce raisonnement et les connaissances actuelles, il est également évident que si on refuse de voir souffrir les animaux, il faut aussi refuser le risque, bien qu’encore douteux, de faire souffrir les plantes.

L'être humain devra-t-il cesser de s'alimenter pour ne plus faire souffrir ni les animaux, ni les plantes?
Bien sûr que non. En revanche, il peut réfléchir sur les méthodes de production, et les modifier, pour les rendre plus respectueuses des plantes et des animaux. Ce qui ne veut pas dire que je prône l'agriculture biologique. A mon sens, ça n'a rien à voir, et comme je vous l'ai déjà expliqué à plusieurs reprises, les méthodes de production intégrée sont au moins aussi respectueuses de l'environnement, sinon plus, que les méthodes de production biologique.
Cette humanisation à l’extrême de tous nos processus de production est à mon avis ridicule, et sont un frein à l’évolution vers une agriculture plus durable. C’est d’autant plus ridicule que dans la plupart des cas, elle provient de ceux qui sont les pourfendeurs d’une vision anthropocentrique du monde. Mais qu’y a-t-il donc de plus anthropocentrique que de vouloir prêter aux animaux des sensations et des sentiments humains ?
Ce qui n’implique pas de faire n’importe quoi. Je défends une agriculture intégrée, éthique, productive et respectueuse des personnes qui en dépendent (travailleurs et consommateurs), des populations qui l’entourent et de l’environnement.

En guise de conclusion, je voudrais reprendre un extrait de la conclusion d’un travail dont je vous recommande la lecture complète (en français), intitulé « Existe-t-il un équivalent de la douleur humaine chez les végétaux ? » https://tpedouleurvegetale.wordpress.com/

« Nous avons vu au travers de nos travaux que lors d’une agression,  les végétaux mettent en place un système de défense  basé sur des réactions en chaînes. Bien qu’ils disposent de récepteurs, ils ne disposent pas d’organes d’interprétation comme le cerveau dans le cas de l’homme. Or nous avons vu que chez l’homme, la douleur était modélisée au niveau du cerveau. On peut donc dire que les plantes ne souffrent pas selon la vision de l’être humain. Reconnaissons néanmoins qu’il nous est difficile de concevoir une autre forme d’existence de douleur étant donné que notre physiologie est très différente de celles des végétaux voire de certains animaux. Notre façon de penser est donc d’une certaine manière conditionnée par notre espèce et le fait d’essayer d’imaginer d’autres modes de fonctionnements s’avère plus difficile. Les végétaux pourraient donc percevoir des choses que ne pouvons même pas imaginer. Nous avons développé ici l’hypothèse que les plantes pouvaient souffrir si on considérait la douleur comme un élément essentiel à la survie de l’espèce. »


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